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mots allemands burg, bourg, et ward, garde), espèce de palissade de gros pieux plantés verticalement, derrière lesquels on élevait des lits, superposés, de terre et de fascines. Plus tard, quand les remparts de maçonnerie furent menacés à leur tour par les boulets, on les environna de ces mêmes boulevards, disposés en une enceinte continue. Cette construction avait été reconnue nécessaire et efficace pour garantir les remparts des effets du boulet.

Les changements qui furent apportés à cette époque, au système de fortification des villes, étaient donc de peu d’importance. Des ouvrages avancés devant les portes et autres points faibles de la place, — la transformation des archières ou meurtrières, en trous ronds, pour recevoir des coulevrines, — les toits des maisons recouverts de terre ou d’autres matériaux, pour amortir le choc des pierres lancées par les bombardes ; — enfin l’établissement de quelques massifs de maçonnerie dominant les maisons ou les tours, pour y encastrer les bombardes de la place, — à cela se bornèrent les changements dans la défense des villes.

L’attaque fut modifiée davantage. Les grandes bombardes ayant été reconnues supérieures à l’ancien trébuchet, ou machine à fronde, toute armée qui se préparait à assiéger une ville, traînait avec elle autant qu’elle le pouvait de bombardes. Et ce n’était pas alors chose facile que le transport de telles masses. Les routes étaient presque toujours insuffisantes, il fallait en tracer de nouvelles. La bombarde, divisée en deux tronçons, était placée sur deux chariots, construits exprès, et l’on attelait à chaque chariot, cinquante paires de bœufs, pour les traîner. D’autres chariots apportaient les pierres et les munitions. Lorsque, à grand renfort de bras et d’animaux de trait, ces énormes engins étaient enfin arrivés devant la place, on les approchait autant que possible des murs.

Christine de Pisan dit qu’on plaçait les bombardes à une portée d’arc, et en 1382, Philippe d’Arteveld les établissait à cent pas des murs d’Oudenarde. Mais le rapprochement de la ville rendait cette approche très-dangereuse. Il fallait, sous la grêle des projectiles envoyés par les défenseurs de la place, amener les chariots, lever les différentes pièces du canon avec des grues, les visser ensemble, enfin les poser sur l’affût. Tout cela ne se faisait pas sans beaucoup d’embarras, ni de grandes pertes d’hommes. Aussi fut-on conduit à protéger les canonniers de l’armée assiégeante, avec des tonneaux pleins de terre : c’est ce que nous appelons aujourd’hui des gabions. En raison de l’extrême proximité et de la hauteur des murs d’où partaient les traits plongeants de la place, on faisait des gabions énormes (de la hauteur d’un homme) et on en superposait deux rangées. On laissait dans ces gabions un vide, pour l’embrasure de la bombarde, et ce vide était couvert par un grand manteau de bois, qui pouvait basculer sur un axe au moment du tir pour livrer passage au boulet de l’assiégeant.

La figure 207 (page 341), dessinée d’après une des planches de l’ouvrage de Christine de Pisan, montre la disposition de ces manteaux, et l’installation de deux bombardes de siége. À droite et à gauche du dessin, deux bombardes reposent sur le sol, la culasse appuyée à un bloc encastré dans la terre, soutenu lui-même par des pieux solides et profondément plantés. La bouche de la bombarde est soulevée par un autre bloc, qu’on peut avancer ou reculer, à la manière d’un coin, pour faire varier l’inclinaison de la pièce et l’angle de tir. La bombarde de droite est prête à partir ; un homme à demi caché dans un fossé, a découvert la bouche à feu, en tirant sur la corde fixée à la partie supérieure du manteau ; un autre artilleur tient la mèche allumée. On remarque à droite un de ces pavois, dont nous parlions tout à l’heure (page 339), c’est-à-dire une sorte de bouclier en bois, destiné à préserver des traits