Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/332

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lets de fonte, qui ne furent en usage que dans la seconde moitié du même siècle, n’y sont pas mentionnés. Le mot bâton à feu, ou simplement bâton, que l’on rencontre fréquemment dans cet ouvrage, est un mot ancien, qui fut d’abord employé pour désigner les petits canons d’une certaine longueur d’âme, et qui servit, plus tard, par extension, à désigner les bouches à feu de tout genre.

Quelques extraits que nous donnons du manuscrit de la Bibliothèque impériale, feront parfaitement comprendre l’art du canonnier au xvie siècle.

Voici d’abord pour les dangers de la profession :

« … Toutes les fois qu’il tire d’une bombarde, canon, ou autre baston de canonnerie et qu’il besoigne en faict de pouldre, leur grant force et vertu font aulcunes fois rompre le baston duquel il tire ; et supposé qu’il ne rompe, ja toutefois est-il en danger d’estre bruslé de la pouldre, par laquelle manière s’il n’est bien advisé, et discret pour s’en sauver et garder, desquelles pouldres la vappeur seulement est vray venin contre l’homme, ainsi que dict sera cy après ; et sont les ennemys plus en grief sur luy que sur aultres pour le voulloir destruire et occire à l’occasion des grands maulx, déplaisirs et dommages qu’il leur faict de son dict mestier.

Et voici pour la science que doit posséder le canonnier :

« … Scavoir lire et escripre, car en sa mémoire ne pourrait-il pas retenir toutes les aultres matières, confections et aultres choses appartenant audict art, comme distiller, sepparer, sublaver et scavoir faire et composer feu sauvaige, feu grégeois, et plusieurs aultres choses contenues en ce présent livre, et faire et ordonner tauldis et fortifications pour résister aux machinations et aux insultations et assaulx desdicts ennemys et tout ce qui à ce appartient, et aussi congnoistre les pois, les livres, les onces et tous les aultres pois et mesures. »

L’artilleur devait, en effet, préparer la poudre, et même « faire croistre salpêtre, et purifier, mendifier salpêtre sauvaige » ; fabriquer le charbon et les autres ingrédients de la poudre. Nous citerons en passant une « mixtion appartenante à bonnes pouldres communes », en d’autres termes une recette pour la composition de la poudre, recommandée par l’auteur de cet ouvrage :

« Prenez salpêtre affiné trois livres, souffre deux livres, charbon une livre, pillez les dites choses ensemble, et les arrousez d’eau-de-vie, ou eau ardente, ou de vinaigre, ou d’urine d’homme qui boive vin, et ferez bonne pouldre. »

Ce n’est que vers la fin du siècle qu’on sut épurer convenablement le salpêtre, en ajoutant des cendres à la dissolution du salpêtre brut, pour changer les nitrates terreux en nitrate de potasse, et en faisant ensuite cristalliser le sel.

Le grenage de la poudre était déjà connu en 1452. Mais la poudre en grains était trop énergique pour qu’on pût s’en servir dans toutes sortes de canons, et les couleuvrines seules en faisaient usage, ainsi que les très-petits canons. Au xvie siècle encore, on préférait pour les grosses bouches à feu, la poudre en poussier ; ou en grains gros comme des noisettes, à la poudre grenée, dont la puissance, mais aussi l’action brisante, étaient bien reconnues.

Les bombardes étaient toutes pourvues d’une chambre à feu qui s’ajustait à l’âme de la pièce. L’auteur inconnu du manuscrit cité plus haut, recommande de donner à la chambre une longueur égale à cinq fois son diamètre. La volée devait également avoir une longueur de cinq fois son diamètre. La chambre à feu n’était remplie de poudre qu’aux trois cinquièmes, le quatrième restait vide, et le dernier était occupé par un tampon de bois tendre, ne dépassant pas le col, et contre lequel venait appuyer le boulet. Le boulet était centré dans l’âme à l’aide de coins de bois, puis garni d’étoupes à sa circonférence, de façon à empêcher le vent.

Les boulets de pierre, dont nous avons vu une abondante collection au Musée d’armes de Bruxelles, étaient taillés avec du grès ou du marbre, quelquefois même avec de la pierre calcaire. On les arrondissait dans la carrière même, et on leur donnait les dimensions vou-