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neaux soudés ensemble ; deux sont creusés de mortaises qui doivent recevoir les leviers destinés à visser et à dévisser les deux parties de la pièce, pour les ajuster l’une à l’autre. La lumière est légèrement oblique, elle aboutit vers le fond de la chambre, son diamètre est de 0m,01, un petit calice profond de 0m,02 reçoit la poudre d’amorce. Les armes de Bourgogne circonscrivent ce calice.

Le taraudage d’aussi grosses pièces de fer dut présenter des difficultés considérables ; aussi ne fut-il pas exécuté avec une bien grande précision. La chambre incline un peu à gauche, et sa jointure avec la volée laisse à droite un écartement de 0m,02 de profondeur. Sept des barres de fer longitudinales ont été brisées par l’action du tir à 0m,40 de la bouche, et les chocs du boulet dans l’âme ont creusé des dépressions, qui rendent son diamètre inégal.

Quelques écrivains ont voulu voir dans cette bouche à feu « la plus grosse des bombardes du siége d’Oudenarde » citée par Froissart, laquelle, dit-il, avait « cinquante-deux pans de bec » et lançait des projectiles qui défonçaient les murailles. Mais il y a eu ici, selon M. Favé, confusion entre le siége d’Oudenarde de 1382 et celui de 1452 où parut réellement la Dulle Griete. Dès le commencement de l’année, la ville fut investie par l’armée communale de Gand, et elle eut grandement à souffrir de l’artillerie des assiégeants ; mais survinrent le comte d’Étampes et l’armée bourguignonne, qui forcèrent les Gantois à lever précipitamment le siége, et la Dulle Griete[1] tomba aux mains des ennemis. Elle fut rendue en 1578 à la ville de Gand ; et comme nous l’avons dit, elle existe encore aujourd’hui, sur la place du Marché.

Vers 1450 apparurent des bombardes à volée très-courte, qui lançaient des boulets de pierre, sous de grands angles, et qui n’étaient autre chose qu’un perfectionnement de ces bombardes coudées que nous avons représentées page 321. Elles furent désignées sous le nom de mortiers, évidemment à cause de leur forme. Le peu de longueur de la volée causait une notable déperdition de la force de la poudre ; aussi, pendant fort longtemps, les mortiers n’existèrent-ils qu’en très-petit nombre. Ce n’est que lorsqu’on eut imaginé le grenage de la poudre, qu’on vit les mortiers se multiplier.

Les bombardelles sont l’intermédiaire entre les grandes bombardes et les mortiers, intermédiaire comme angle de pointage et comme longueur de volée. En général, l’âme avait la forme d’un tronc de cône, et la chambre à feu était d’un très-faible diamètre.

Les crapaudeaux étaient probablement des veuglaires de petit calibre. Dans les comptes de dépenses des villes, qui fournissent les meilleurs documents à consulter pour tout ce qui concerne les anciennes bouches à feu, les crapaudeaux sont ordinairement mentionnés en même temps que les petits veuglaires, sans que rien indique une particularité de forme justifiant un nom différent.

La couleuvrine emmanchée est la couleuvrine ordinaire encastrée dans le fût de l’ancienne arbalète. En 1453 Tournay possédait des couleuvrines. Voici peut-être le point où les armes à feu portatives se séparent décidément de l’artillerie proprement dite, ou de la grosse artillerie. Aussi ne ferons-nous plus mention, dans cette Notice, des armes de petit calibre, étude qui sera approfondie dans la Notice suivante.

Vers le milieu du xve siècle, les canons lançant des projectiles métalliques, acquirent un plus grand volume, par suite de leur meilleure construction. Leur portée devint aussi plus grande. Toutefois, les pro-

  1. Le nom de Dulle Griete signifie Marguerite noire. Les grands canons de Diest, de Gand, de Malines, et les bombardes de Hainaut, portaient presque tous le nom de Griete, en mémoire, sans doute, des souvenirs sanglants laissés dans ces provinces par Marguerite de Constantinople. Encore de nos jours, dans le pays de Liége, l’expression Mal Magrit s’emploie pour désigner une virago.