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Ces malheurs ne sont pas les seuls. Déjà, en 1847, la manufacture de Darpfort (Angleterre) qui fabriquait du coton-poudre pour le concessionnaire de M. Schönbein, avait sauté en entraînant la mort de vingt-quatre personnes, et détruisant tous les ateliers. Cet accident tenait, sans doute, à une décomposition du pyroxyle. Peu de temps avant l’explosion, on venait pourtant de constater que la température de la masse séchée n’était que de 40 degrés.

M. Payen a reconnu que le fulmi-coton, quand il est soumis à une température de 50 à 60 degrés, subit une décomposition lente, mais continue, qui se termine par une explosion spontanée. Pelouze avait constaté le même fait pour des températures de 60 à 80 degrés[1]. Or, le pyroxyle exposé au soleil pendant sa dessiccation, ou dans toute autre circonstance, peut atteindre aisément la température de 60 degrés. Des caissons pleins de cette substance, et exposés au soleil, dans des pays chauds, en Algérie, dans le midi de l’Espagne, en Italie, arriveraient certainement et se maintiendraient à cette température de 60 degrés ; dans cette condition, l’explosion serait toujours à craindre.

Ce double inconvénient de la décomposition spontanée du pyroxyle, soit par le temps, soit par la chaleur, joint à ses effets de poudre brisante, annulent presque tous ses avantages, et rendent bien problématique la possibilité de son emploi dans les armes.

Nous devons ajouter, cependant, que des expériences récentes, faites par ordre du gouvernement anglais, à l’arsenal de Woolwich, tendent à prouver que le pyroxyle, lorsqu’il est convenablement préparé, n’est pas sujet à cette décomposition spontanée. Une communication faite à la Société royale de Londres, par M. Abel, chimiste attaché à l’arsenal de Woolwich, a établi des faits dignes d’être signalés sous ce rapport.

Nous venons de dire que MM. Pelouze et Maurey ont reconnu que le fulmi-coton est susceptible de décomposition spontanée, dans des conditions qui peuvent se rencontrer, soit dans son emmagasinage, soit dans son application aux usages techniques et militaires. On a conclu de là que le coton-poudre, toutes les fois qu’il se trouve accumulé en quantité considérable, est sujet à faire explosion spontanément, soit par une température de 60 degrés, soit même à une température moins élevée. Ces résultats sont en désaccord avec ceux qui résultent d’observations et d’expériences nombreuses faites à Woolwich, de 1864 à 1868, dans le but d’établir jusqu’à quel point cette substance, telle qu’on la prépare en Angleterre, est susceptible d’être altérée par la lumière et la chaleur. Voici un extrait des conclusions du mémoire présenté par M. Abel à la Société royale de Londres, au mois de mars 1868, et les principaux résultats auxquels ces expériences ont conduit :

« 1o Le coton-poudre, préparé avec du coton convenablement purifié d’après la méthode du général Lenk, peut être exposé à la lumière diffuse du jour, soit à l’air, soit dans des caisses fermées pendant trois ans et demi au moins, sans subir la plus petite altération.

2o Si l’on expose pendant longtemps du coton-poudre, dans son état de sécheresse ordinaire, aux rayons directs du soleil ou même à un jour brillant, il ne s’opère dans cette substance qu’une altération très-graduelle. Il suit de là que les résultats obtenus ailleurs relativement à la décomposition très-rapide du coton-poudre exposé à la lumière du soleil, ne s’appliquent pas à la cellulose trinitrée presque pure, telle qu’on la prépare dans les fabriques anglaises.

3o Si l’on expose, pendant quelques mois, au soleil ou à un jour brillant, du coton-poudre légèrement humide renfermé dans des caisses closes, cette substance subit une altération, laquelle, quoique légère, est cependant plus sensible que dans le cas précédent.

4o Du coton-poudre, exposé au soleil jusqu’à ce qu’une légère réaction acide se soit développée, et renfermé ensuite immédiatement dans des caisses parfaitement closes, n’a subi aucune altération pendant un emmagasinage de trois ans et demi.

5o Le coton-poudre, tel qu’on le prépare dans les fabriques anglaises, et emmagasiné à l’état de sécheresse ordinaire, ne subit plus aucune altération, sauf

  1. Comptes rendus de l’Académie des sciences, 22 janvier 1849.