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par les gaz, et ne brûlera qu’à l’extérieur du canon, c’est-à-dire sans aucun effet utile. C’est ce qui arrive, par exemple, quand la poudre est humide. Quand, au contraire, la poudre brûle trop vite, les gaz n’exercent pas leur action graduellement, le parcours d’une partie de l’arme est inutile, le projectile perd de sa force par le frottement contre les parois, et pour l’effet qu’elle produit, l’arme est trop longue.

C’est d’après ces principes que, dans la pratique, on fait varier la longueur des différentes armes suivant la distance à laquelle on veut tirer, et que l’on augmente ou diminue le poids du projectile et la quantité de poudre, selon la résistance de l’arme.

À part les considérations qui précèdent, la combustion trop lente ou trop rapide de la poudre, présente d’autres inconvénients. La poudre qui brûle lentement encrasse les armes ; celle qui brûle trop vite est brisante, fulminante, c’est-à-dire peut les faire éclater, ou tout au moins les détériorer en un temps très-court.

La poudre qui brûle avec trop de lenteur ne développe qu’une température peu élevée, parce qu’elle brûle en masse moindre à la fois, et que les causes de refroidissement peuvent agir d’une manière plus efficace ; en second lieu son action, n’étant pas subite, surmonte plus difficilement l’inertie du projectile, ainsi que l’adhérence aux parois de l’arme des particules solides résultant de la combustion de la poudre.

Les poudres fulminantes, c’est-à-dire à déflagration instantanée, brisent les armes, parce qu’avant que les gaz provenant de la combustion, aient eu le temps de détruire l’inertie du projectile et de le mettre en mouvement, ils ont acquis une tension énorme, qui peut surpasser le degré de résistance des parois du canon, et les briser.

Il est donc essentiel de fabriquer des poudres bien homogènes de composition, c’est-à-dire semblables entre elles, dont les propriétés explosives soient toujours les mêmes, et s’accommodent à des armes qui ne soient ni trop longues, ni trop lourdes ; en d’autres termes dont la combustion ne soit pas trop rapide, ce qui exigerait des armes épaisses et courtes, par conséquent impropres à un tir exact, ni trop lente, ce qui nécessiterait des armes trop longues pour l’usage.

Si, d’après l’étymologie du mot, on laissait à la poudre la forme de poussier, comme on l’a fait longtemps, d’ailleurs, elle ne s’allumerait que lentement. On lui donne aujourd’hui la forme, non d’une substance pulvérulente, mais de grains d’un certain volume. Et voici pour quelles raisons.

Le mécanisme de l’explosion de la poudre, et même de toute explosion, est le suivant. Un point quelconque de la masse est porté à une température suffisante pour qu’il y ait combustion, c’est-à-dire combinaison avec l’oxygène ; cette première combustion provoque un nouveau dégagement de chaleur, en général très-vive. La couche qui entoure le premier point, déflagre ; puis cette première couche enflamme la seconde, et ainsi de suite. La chaleur va donc toujours en augmentant depuis le premier moment, et la marche de l’inflammation est d’autant plus rapide que la masse à allumer est plus rapidement pénétrée par le calorique.

Si l’on fait usage de poussier de poudre, la chaleur ne se propage qu’avec une difficulté extrême à travers ce corps, qui est très-mauvais conducteur du calorique, et qui ne laisse entre ses particules que des espaces microscopiques bientôt bouchés par de nouvelles particules, qui absorbent la chaleur émise. Si, au contraire, on fait usage de poudre à laquelle on ait donné la forme granuleuse, l’air qui sépare les grains, les enflamme plus vite, et la chaleur provenant de la combustion de chaque grain se transmet plus rapidement d’un point à l’autre de la masse.

C’est ainsi que l’on a été conduit à faire subir à la poudre, l’opération du grenage, que nous aurons à décrire.