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Fig. 133. — Navire portant un baril de feu grégeois (d’après un manuscrit latin du xiiie siècle).


donnés par les anciens, sans compter ceux qu’on peut imaginer et qu’il serait trop long de rapporter ici. Il y en a même tels qu’il est à propos de ne pas divulguer, de peur que les ennemis, venant à les connaître, ne prennent des précautions pour s’en garantir, ou ne s’en servent eux-mêmes contre nous[1]. »

La figure 132 représente un navire couvert portant le feu grégeois. Quelques soldats intrépides s’enfermaient sous cette carapace de bois, et allaient porter contre les flancs du navire ennemi l’élément destructeur.

La figure 133 représente un autre navire, portant, au moyen de deux barres horizontales, des brûlots de feu grégeois que l’on lançait en faisant jouer ces barres de bois comme une fronde.

Un auteur grec ou latin, Marcus Grœchus, qui, selon MM. Reinaud et Favé, aurait écrit vers 1230, mais sur la personnalité duquel on n’a aucun renseignement, a consigné dans un ouvrage spécial, Livre des feux pour brûler les ennemis (Liber ignium ad comburendos hostes), les moyens dont se servaient les Grecs du Bas-Empire pour incendier les vaisseaux ennemis.

« Prenez, dit Marcus Grœchus, de la sandaraque pure une livre, du sel ammoniac dissous, même quantité ; faites de tout cela une pâte que vous chaufferez dans un vase de terre verni et luté soigneusement. Vous continuerez à chauffer jusqu’à ce que la matière ait acquis la consistance du beurre, ce qu’il est facile de voir en introduisant par l’ouverture du vase une baguette de bois à laquelle la matière s’attache. Après cela vous y ajouterez quatre livres de poix liquide. On évite, à cause du danger, de faire cette préparation dans l’intérieur d’une maison.

« Si l’on veut opérer sur mer, on prendra une outre, une peau de chèvre, dans laquelle on mettra deux livres de la composition que nous venons de décrire, dans le cas où l’ennemi est à proximité ; on en mettra davantage si l’ennemi est à une plus grande distance. On attache ensuite cette outre à une broche de fer, dont toute la partie inférieure est elle-même enduite d’une matière huileuse ; enfin on place sous cette outre une planche de bois proportionnée à l’épaisseur de la broche, et l’on y met le feu sur le rivage. L’huile s’allume, découle sur la planche, et l’appareil, marchant sur les eaux, met en combustion tout ce qu’il rencontre[2]. »

Ainsi ces brûlots n’avaient pas de mouve-

  1. Institutions militaires de l’empereur Léon le Philosophe. Traduction de Joly de Mauzeroy, 1778, t. II, p. 137.
  2. Traduction de M. Hoefer (Histoire de la chimie, t. I, p. 285)