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la résine débarrassée de cette gomme rougeâtre, est bien plus sensible à l’action du fluide lumineux ; mais cette même résine est encore unie à un principe qui n’est soluble ni dans l’eau ni dans l’alcool, ce qui m’offre le moyen de l’obtenir (la résine) parfaitement pure. Si dans cet état, sa combinaison avec l’oxygène à l’aide de la lumière, la rend moins attaquable par l’alcool, j’aurai fait un grand pas vers la solution du problème que je me suis proposé.

« Tu sais que le phosphore ne m’a fourni que des résultats peu satisfaisants ; son emploi d’ailleurs est dangereux, et une forte brûlure que je me suis faite à la main, n’a pas peu contribué à me dégoûter entièrement de ce perfide combustible.

« Je vais donc reprendre mes expériences, et je ne manquerai pas de t’instruire du résultat, bon ou mauvais, que j’aurai obtenu. Tu vois, d’après cela, que je n’ai pas encore perdu l’espoir de réussir[1]. »

Ici s’arrêtent les documents qui peuvent éclairer l’histoire des travaux photographiques de Nicéphore Niépce. M. Fouque n’a pu trouver une seule lettre relative à ses expériences, dans un intervalle de neuf ans, c’est-à-dire de 1817 jusqu’à 1826.

Ce n’est pas qu’il eût abandonné ses recherches, il les continuait au contraire avec ardeur. En 1826, il avait renoncé à tous les agents chimiques expérimentés par lui pendant dix ans, et s’était arrêté à l’emploi du bitume de Judée, substance résineuse qui, étalée en couche mince et soumise à l’action de la lumière solaire, s’oxyde, blanchit, et reproduit en traits blanchâtres, quand on la place dans la chambre obscure, l’image formée au foyer de cet instrument.

Nous allons décrire, d’après le mémoire qu’il rédigea plus tard, c’est-à-dire lors de son association avec Daguerre, la méthode que Nicéphore Niépce employait, sous le nom d’héliographie. Cette méthode permettait : 1o d’obtenir la reproduction des estampes en les exposant à la lumière extérieure ; 2o de fixer l’image formée au foyer de la chambre obscure.

En ce qui concerne le premier objet, Niépce prenait une estampe ; il la vernissait sur le verso, pour la rendre transparente, et l’appliquait sur une lame d’étain, préalablement recouverte d’une couche de bitume de Judée. Les parties noires de l’estampe arrêtaient les rayons lumineux ; au contraire, les parties transparentes ou qui ne présentaient aucun trait de burin, les laissaient passer librement. Les rayons lumineux, traversant les parties diaphanes du papier, allaient blanchir la couche de bitume de Judée appliquée sur la lame métallique, et l’on obtenait ainsi une reproduction fidèle du dessin, dans laquelle les clairs et les ombres conservaient leur situation naturelle. En plongeant ensuite la lame métallique dans l’essence de lavande, les portions du bitume non impressionnées par l’agent lumineux, étaient dissoutes, tandis que les parties modifiées par la lumière restaient sans se dissoudre ; l’image se trouvait ainsi mise à l’abri de l’action du jour.

Mais la copie des gravures n’était qu’une opération sans aucun intérêt ; le problème consistait à reproduire les dessins de la chambre obscure.

Tout le monde connaît la chambre obscure. C’est une sorte de boîte fermée de toutes parts, dans laquelle la lumière s’introduit par un petit orifice. Les rayons lumineux émanant des objets placés au dehors, traversant l’orifice et continuant leur marche rectiligne, produisent, sur un écran disposé à l’intérieur de la boîte, une image, renversée et très-petite, de ces objets. Pour donner plus de champ à l’image et pour en augmenter la netteté, on place devant l’orifice lumineux, une lentille convergente.

La figure 5 montre la marche des rayons lumineux passant à travers un simple orifice percé dans une boîte fermée de toutes parts. On voit que, par suite de la marche rectiligne des rayons lumineux, l’objet extérieur, c’est-à-dire la flèche AB, vient se peindre sur l’écran de la chambre obscure, renversé et de dimensions plus petites, parce que le rayon lumineux partant du point A, ou de la pointe de la flèche, et traversant l’orifice O, vient,

  1. V. Fouque, la Vérité, etc., p. 94.