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où elle n’existe qu’à une faible épaisseur, et l’effet des ombres là où la gélatine colorée existe en plus grande proportion.

Quoi qu’il en soit de cette explication du phénomène, le résultat est constant, et constitue un mode tout nouveau et très-ingénieux de tirage sur papier. Ce n’est ni de la gravure, ni de la lithographie. Nous croyons seulement que, comme on ne fait pas usage d’encre d’imprimerie, mais de gélatine simplement, mélangée de charbon, l’inaltérabilité et la longue durée d’épreuves ainsi obtenues, ne sont nullement garanties.

Nous venons de passer en revue les systèmes divers qui traduisent les efforts très-nombreux entrepris pour la solution du problème consistant à transformer une épreuve photographique en une planche gravée. Nous n’avons pas à nous prononcer sur la supériorité accordée à tel ou tel système. La question de la valeur comparative des méthodes aujourd’hui connues est sans intérêt pour le public. Ce qui est essentiel, ce qu’il importe de constater, c’est que la gravure des épreuves photographiques est un point à peu près résolu aujourd’hui.

Il résulte de là qu’une révolution complète se prépare en ce moment, non dans le principe de la photographie elle-même, à laquelle il faudra toujours recourir pour obtenir l’épreuve originale prise sur la nature, mais dans le mode de tirage des épreuves. Désormais, on pourra obtenir, grâce à la gravure héliographique, autant d’épreuves que l’on voudra, et ces épreuves seront aussi inaltérables que nos gravures sur cuivre ou sur acier, puisqu’elles seront tirées de la même façon. Au lieu de ces épreuves obtenues péniblement, une à une et à la main, avec un sel d’argent, on produira de véritables gravures. Alors le prix des photographies sera sensiblement diminué, puisqu’elles seront obtenues à très-grand nombre, à peu de frais. En même temps, résultat capital, ainsi tirées à la manière ordinaire des gravures, c’est-à-dire avec l’encre d’impression, elles seront absolument inaltérables et, comme les gravures ordinaires, d’une durée et d’une conservation illimitées. Le grand desideratum de la photographie est donc aujourd’hui presque entièrement réalisé.

Au moment où cette découverte, fruit de tant d’années de travaux, dus à divers opérateurs égaux en mérite et en zèle, va peut-être révolutionner toute une branche des arts, il est juste de rendre à tous ceux qui ont concouru à cette œuvre utile, l’hommage de reconnaissance qui leur est dû. Dans le récit qui précède, nous n’avons pas trouvé l’occasion de citer le nom d’un pauvre artiste, dont les travaux ne furent point sans influence sur la découverte de la gravure photographique, et qui s’occupa particulièrement de l’application de la galvanoplastie à la reproduction des planches héliographiques. Or, la galvanoplastie trouve une grande part dans quelques-uns des procédés que nous avons décrits concernant la gravure héliographique. En conséquence, nous ne devons pas négliger d’inscrire dans les dernières pages de ce récit le nom de cet artiste, aujourd’hui complètement oublié.

Si, au lieu d’enregistrer modestement les chroniques de la science du jour, nous aspirions à l’honneur d’écrire de beaux récits ou d’intéressantes histoires, nous aurions intitulé celle-ci : Hurliman, ou le Graveur à la jambe de bois.

En effet, Hurliman était graveur, et il avait une jambe de bois. Cette jambe de bois, on ne savait pas précisément où il l’avait gagnée, mais ni lui ni ses amis ne l’auraient donnée pour beaucoup. Elle servait d’interprète aux sentiments de son âme ; elle était comme le confident et le moyen d’expression de sa pensée. Hurliman était-il heureux, la jambe de bois s’en allait, bondissante et joyeuse, sur le pavé sonore, exprimant sa gaieté par