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zeau frottait la planche gravée et peu profonde d’une huile grasse, qui s’incrustait dans les cavités et ne s’attachait pas aux saillies. On dorait ensuite la plaque à l’aide de la pile voltaïque. L’or venait se déposer sur les parties saillantes, et ne pénétrait pas dans les creux, abrités par le corps gras. En nettoyant ensuite la planche, on pouvait l’attaquer profondément par l’eau-forte, car les parties saillantes recouvertes d’or étaient respectées par l’acide. On creusait ainsi le métal à volonté. Enfin, comme la mollesse de l’argent aurait limité singulièrement le tirage, on recouvrait la planche d’une couche de cuivre, par la galvanoplastie. Le cuivre, métal très-dur, supportait donc seul l’usure déterminée par le tirage.

M. Fizeau obtint de cette manière des gravures offrant beaucoup de qualités. Cependant les moyens qu’il mettait en usage étaient trop compliqués pour être adoptés dans la pratique. Son procédé demeura donc infructueux dans les mains du cessionnaire de son brevet.

Sur ces entrefaites, un événement de la plus haute importance dans l’histoire de la photographie vint détourner les esprits de ce genre de recherches : ce fut la découverte de la photographie sur papier. Cette découverte imprima aux idées des opérateurs une direction toute différente, et suspendit un moment les travaux entrepris pour la transformation des épreuves daguerriennes en planches de gravure. La singulière perfection des produits de cette branche nouvelle des arts photographiques, et les efforts qu’il avait fallu exécuter pour y atteindre, absorbèrent longtemps l’attention des amateurs et des artistes. D’ailleurs, la photographie sur papier, une fois connue, parut devoir rendre inutile la gravure des épreuves. Elle permet, en effet, d’obtenir, avec un premier type, l’épreuve négative, un nombre presque indéfini d’épreuves positives. Le problème de la gravure photographique semblait donc avoir perdu une grande partie de son utilité.

Il ne manquait pas néanmoins de bonnes raisons à opposer aux personnes qui prétendaient que la photographie sur papier permettrait de se passer de la gravure photographique. Le tirage d’une épreuve positive est toujours une opération délicate, et malgré tous les perfectionnements apportés à cette partie du manuel photographique, il est bien difficile qu’elle puisse jamais devenir industrielle. Aussi les bonnes épreuves sur papier sont-elles maintenues, dans le commerce, à un prix assez élevé pour leur faire perdre une partie de la supériorité qu’elles présentent sur les produits de la lithographie ou de la gravure.

Une autre raison à invoquer, c’est le défaut de stabilité des épreuves photographiques. On sait que les images sur papier, si l’on en excepte celles qui ont été tirées par le procédé au charbon, pâlissent manifestement, par une exposition de plusieurs années à la lumière, et qu’elles pourraient disparaître en entier par suite d’une exposition plus prolongée à la même influence. Ce genre d’altération provient de ce que, malgré la continuité des lavages à l’eau distillée, qui doivent terminer l’opération, le papier retient toujours une certaine quantité d’hyposulfite de soude : la présence de quelques traces de ce sel suffit pour provoquer, au bout d’un temps plus ou moins long, la transformation de l’argent en sulfure, puis en sulfate, et finalement la disparition de l’image.

Mais toutes ces raisons n’auraient peut-être que médiocrement touché la laborieuse tribu des photographes, sans une autre circonstance, qui vint contribuer, plus que toute autre, à ramener l’attention vers la gravure.

La photographie sur papier est parvenue aujourd’hui à une telle perfection, qu’il est bien difficile qu’elle aille beaucoup plus loin ;