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Niépce s’adonnèrent, sur leur domaine, à la culture en grand du pastel, et se mirent, à cette occasion, en rapport, par l’intermédiaire du préfet, avec le ministre de l’intérieur, à qui ils faisaient parvenir les produits de leur fabrication.

« La culture du pastel-indigo, dit M. Fouque, dans un ouvrage consacré aux travaux de Joseph-Nicéphore Niépce, sur lequel nous aurons à revenir, a laissé de nombreuses traces dans ce qui constituait autrefois le beau domaine Niépce, aux Gras, commune de Saint-Loup de Varennes. Les jardins de la résidence de cette famille, les champs, voire même les fossés de la grande route, sur une étendue de plusieurs kilomètres, renferment des plants de Pastel soit par groupes plus ou moins nombreux, soit par plants isolés, et qui se reproduisent naturellement sans culture, depuis plus d’un demi-siècle[1]. »

Mais il n’est rien de plus difficile que l’extraction de la matière colorante du pastel. Les frères Niépce, pas plus que d’autres expérimentateurs, ne purent obtenir aucun résultat utile.

De 1813 à 1816, ils s’occupèrent de la culture du pastel, concurremment avec d’autres travaux industriels ou agricoles. Ils entreprirent l’extraction du sucre de betterave. Mais ils ne poussèrent pas bien loin cette tentative, qui, à la même époque, commençait à fournir, dans le nord de la France, de si remarquables résultats. Ils entreprirent aussi d’extraire d’une espèce de courge, de la fécule, qui prit le nom de fécule Giraumont.

Les travaux industriels et agricoles auxquels les frères Niépce se livraient en commun, dans leur domaine des Gras, furent interrompus par le départ de l’un d’eux.

Claude Niépce avait avant tout à cœur son pyréolophore. Au mois de mars 1816, il quitta Châlon, pour n’y plus revenir. Il se rendait à Paris, dans l’espoir d’y perfectionner cette machine à air chaud, et de la faire adopter comme rivale des machines à vapeur, qui commençaient à s’introduire en France.

Quittant la tranquille retraite de sa maison de campagne des Gras et s’arrachant aux douceurs de la vie de famille, Claude Niépce va donc s’installer à Paris. Là, il invente, il combine de nouveaux perfectionnements à sa machine à air chaud. Il fait construire, à Bercy, un bateau destiné à recevoir ce nouveau moteur : il s’efforce de réunir des fonds et des actionnaires, pour tenter l’exécution en grand de sa machine.

Mais il échoua dans toutes ses démarches. Le gouvernement lui refusa la bien minime faveur de prolonger de cinq ans, comme il le demandait, son brevet d’invention, et il ne put parvenir à convaincre les gens d’affaires des bonnes qualités de sa machine. Il se décida alors à quitter la France.

Il se rendit en Angleterre, pour y poursuivre l’idée de son pyréolophore. Mais les Anglais firent la sourde oreille, comme ses compatriotes, et la malheureuse machine ne put jamais voir le jour.

Claude Niépce, une fois en Angleterre, ne la quitta plus. Il s’établit à Kiew, près de Londres, toujours occupé d’inventions mécaniques, et en correspondance continuelle avec son frère Nicéphore. Il est touchant de lire dans l’ouvrage consciencieux que M. Victor Fouque a consacré à Nicéphore Niépce, quelques extraits de la correspondance entre les deux frères, séparés par les événements et la distance. C’est un épanchement continuel, une tendresse incessante, qui ont pour objet, tout à la fois, les conceptions mécaniques et les affections du cœur. Les frères Niépce rappellent les Montgolfier, par leur attachement mutuel et par la constante communauté de leurs vues.

Demeuré seul, Nicéphore reprit la suite de ses travaux. Il fixa sa principale demeure à sa maison de campagne des Gras. La maison paternelle de Châlon ne fut pour lui, à partir de ce moment, qu’une sorte de pied-à-terre. Possédant une fortune, que l’on peut évaluer à quinze mille livres de revenu,

  1. La Vérité sur l’invention de la photographie ; Nicéphore Niépce, sa vie, ses essais, ses travaux, In-8, Paris, 1867, p. 42.