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« Je souhaiterais extrêmement, dit-il, de témoigner à Votre Excellence l’ardeur de mon zèle à lui rendre mes très-humbles services, n’était que les pays que nous voyons ruinés dans notre voisinage, et l’incertitude des événements de la guerre, m’avertissent que je ne dois pas abandonner ma famille de si loin dans un temps comme celui-ci[1]. »

C’est par erreur que l’on fixe ordinairement à l’année 1710 l’époque de la mort de Papin. Il vivait encore en 1714, s’il faut s’en rapporter à une dernière lettre de Leibnitz, où il est question de lui. Cette lettre est sans date, mais la mention qui s’y trouve faite du récent avénement de George Ier au trône d’Angleterre, et de la loi anglaise intitulée l’Acte de succession, en fixe l’époque vers l’année 1714.

Fig. 33. — Leibnitz.

« Il y avait dans votre cour, écrit Leibnitz, un savant mathématicien et machiniste français, nommé Papin, avec lequel j’échangeai des lettres de temps en temps. Mais il alla en Hollande, et peut-être plus loin, l’année passée. Je souhaite d’apprendre s’il est revenu ou s’il a quitté le service, et s’est transporté en Angleterre, comme il en avait le dessein… — Y a-t-il donc longtemps que M. Papin est de retour chez vous ? J’avais pensé qu’il eût tout à fait quitté, car je le trouvais un peu chancelant ; et encore à présent sa lettre me paraît être de ce caractère, quoiqu’elle soit extrêmement générale. Il a un mérite qui certainement n’est pas ordinaire ; vous le trouverez, Monsieur, en le pratiquant ; et ce ne serait peut-être pas mal de le faire, pour voir un peu à quoi il s’occupe, car il ne m’en dit mot. »

C’est là, d’ailleurs, le seul document qui permette d’éclairer les derniers temps de la vie de Papin. On ne peut préciser l’époque où il acheva de mourir. Il languit sans doute quelques années encore dans l’isolement et la pauvreté, et il est douloureux de penser que le besoin a pu abréger le terme de sa triste existence.

Quelques personnes ont voulu expliquer le mystère qui couvre les derniers temps de sa vie, par son secret retour aux bords de la Loire, où il aurait voulu mourir. Ainsi il ne nous est même pas donné de connaître le coin de terre où reposent les cendres de cet homme infortuné !

Quand on jette un regard d’ensemble sur les travaux de Papin, on ne peut s’empêcher de reconnaître qu’ils sont marqués au coin du génie. Cependant le mérite de notre compatriote a été contesté, et dans une notice sur la machine à vapeur, le docteur Robison n’a pas craint de dire : « Papin n’était ni physicien ni mécanicien[2]. » La physique du xviie siècle se composait d’un trop petit nombre de principes pour qu’il soit permis de refuser à aucun savant de cette époque la connaissance des faits si simples qu’elle embrassait. De plus, quand on a eu la pensée de créer une force motrice par la seule action de l’eau bouillante, on n’est pas seulement mécanicien, on est mécanicien de génie.

Il est juste néanmoins de reconnaître que, dans ses travaux, Papin a souvent manqué d’es-

  1. Lettre touchant la manière de tirer l’eau des mines avec peu de peine, quand même les rivières sont trop éloignées pour y servir. À Son Excellence monseigneur le comte de Sintzendorff (Recueil de pièces diverses touchant quelques nouvelles machines, par le docteur Papin, imprimé à Cassel, par Jacob Étienne, 1695).
  2. « He was neither philosopher nor mechanician » (Philosophical Magazine, 1822, t. II, p. 49).