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loin l’analyse de cet admirable travail de Davy, à suivre l’auteur dans les considérations générales auxquelles il s’élève, lorsque, cherchant à apprécier le rôle que joue l’électricité dans l’ensemble des phénomènes chimiques qui se passent sur notre globe, il semble lire, d’un regard assuré, dans l’avenir de la science. Nous avons hâte d’arriver à la magnifique application qu’il fit lui-même de ses idées, en se servant de la pile voltaïque pour réduire en leurs éléments les alcalis et les terres.

C’est en 1807, c’est-à-dire un an après la lecture du grand mémoire dont nous venons d’exposer les résultats, que Davy fit connaître sa découverte de la décomposition électro-chimique des alcalis et des terres.

Depuis longtemps on avait remarqué la ressemblance chimique des terres, c’est-à-dire de la chaux, de la baryte, de la magnésie, etc., avec les oxydes métalliques, et celle des oxydes métalliques avec les alcalis, c’est-à-dire la potasse, la soude et l’ammoniaque. Lavoisier, dès les premiers temps de la chimie, avait pressenti cette grande vérité[1]. Mais, depuis cette époque, Berthollet avait découvert la composition de l’ammoniaque, et prouvé que cet alcali est formé d’hydrogène et d’azote. Ce fait avait rompu la ligne entrevue des analogies. Si, d’un côté, on persistait à regarder, avec Lavoisier, les terres comme des oxydes métalliques, d’autre part, l’analogie des alcalis fixes avec l’ammoniaque, amenait à prêter à ceux-ci une constitution analogue à celle de l’ammoniaque. Davy, par exemple, s’imaginait, avant ses recherches, que les alcalis fixes étaient formés de phosphore et d’azote. Cependant, armé d’un agent de décomposition aussi puissant que la pile, il n’hésita pas à aborder ce grand problème d’analyse.

Il essaya d’abord de soumettre à l’action de la pile une dissolution aqueuse de potasse. Mais l’eau se décomposait seule. Il plaça alors dans le cercle de la batterie voltaïque un morceau de potasse maintenue en fusion par la chaleur. Mais ce corps, privé d’eau, ne livrait point passage à l’électricité. Il essaya enfin d’abandonner l’alcali pendant quelques minutes à l’air, pour lui laisser attirer un peu d’humidité ; rendu ainsi suffisamment conducteur, il le plaça entre les pôles de la pile, et dès lors, l’expérience eut un plein succès. La potasse entra en fusion, par la chaleur de la décharge électrique, et bientôt on put observer au pôle positif, un bouillonnement gazeux produit par le dégagement de l’oxygène ; tandis qu’au pôle négatif apparaissaient de petits globules semblables au mercure par la couleur et par l’éclat, mais tellement combustibles et oxydables, que, dès leur formation, ils se recouvraient d’une croûte blanche en reproduisant de la potasse. Jetés sur l’eau, ces globules y brûlaient avec une flamme éclatante.

Davy venait de décomposer la potasse en oxygène et en un métal nouveau qui a reçu le nom de potassium.

Cette découverte, l’une des plus brillantes des temps modernes, honore particulièrement l’esprit et le labeur humains, en ce qu’elle est le fruit unique de l’induction expérimentale, en ce que ni le hasard ni les secours étrangers n’y prirent aucune part.

Ce qui faisait son extrême importance, c’est qu’elle donnait le signal d’une série d’autres découvertes semblables. En effet, la potasse une fois analysée, la composition de la soude et de toutes les bases terreuses était par cela même connue. Après avoir réduit la potasse,

  1. Voici ce qu’écrivait à ce sujet Lavoisier en 1789, dans son Traité élémentaire de chimie : « Il serait possible que toutes les substances auxquelles nous donnons le nom de terres ne fussent que des oxydes métalliques, irréductibles par les moyens que nous employons… Il est à présumer, ajoutait-il plus loin, que les terres cesseront bientôt d’être comptées au nombre des substances simples ; elles sont les seuls corps de toute cette classe qui n’aient point de tendance à s’unir à l’oxygène, et je suis bien porté à croire que cette indifférence pour l’oxygène, s’il m’est permis de me servir de cette expression, tient à ce qu’elles en sont déjà saturées. Les terres, dans cette manière de voir, seraient des substances simples, peut-être des substances métalliques, oxygénées. »