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tateurs italiens s’empressaient d’exécuter avec la pile, les expériences de l’électricité animale que l’on n’avait tentées jusque-là qu’avec l’arc de Galvani.

Vassali-Endi, Giulio et Rossi, physiciens piémontais, furent les auteurs des premières expériences faites en Italie, au moyen de la pile de Volta, sur le corps des suppliciés.

Trois individus ayant été décapités à Turin, Vassali-Endi, Giulio et Rossi soumirent à des expériences galvaniques le corps de ces malheureux.

Ils commencèrent par enfoncer dans le canal des vertèbres cervicales, une lame de plomb, destinée à armer la moelle épinière. Ils touchèrent ensuite à la fois avec un arc d’argent, l’armature de plomb, la moelle épinière et le cœur, c’est-à-dire qu’ils opérèrent, dans cette première expérience, avec l’arc de Galvani, comme on l’avait fait jusque-là. Mais on obtint des contractions musculaires beaucoup plus prononcées en faisant usage de la pile. On reconnut ainsi que le cœur se contractait par l’action du courant électrique, mais qu’il perdait sa contractilité quarante minutes après la mort, et lorsque le même excitant déterminait encore de fortes contractions dans le système musculaire des membres.

Pour éclaircir plusieurs points demeurés irrésolus dans les observations des physiologistes de Turin, Nysten, savant médecin de la Faculté de Paris, auteur du Dictionnaire de Médecine que tant de générations d’élèves ont feuilleté, entreprit un grand nombre d’expériences dans le détail desquelles nous n’entrerons pas, et qui furent répétées, sous les yeux de Hallé, dans les cabinets d’anatomie de l’École de médecine[1].

Il se forma à cette époque, à Paris, une Société galvanique pour se livrer exclusivement à l’étude de l’électricité animale. Le docteur Nauche était le président de cette société, qui exécuta un grand nombre d’expériences, passablement confuses, tant sur l’homme que sur les animaux inférieurs. Les principaux membres de cette société étaient Bonnet, Nysten, Pajot-Laforest, Dudoyon, Petit-Radel, Alizeau, Lamartillière et le fameux Guillotin.

La Société galvanique avait obtenu l’autorisation de soumettre à ses études le corps des suppliciés. Les résultats obtenus dans ces expériences produisirent beaucoup d’impression sur l’esprit des physiologistes, et les poussèrent à s’engager de plus en plus dans l’examen de ces étranges phénomènes.

On ne lira pas sans émotion les détails suivants donnés par Nysten, des circonstances qui accompagnèrent l’une de ses expériences faite le 14 brumaire an XI sur le corps d’un supplicié. Nous citerons textuellement ce dramatique récit, pour donner une idée de l’espèce de fièvre expérimentale qui agitait les médecins de cette époque :

« Qu’il me soit permis, dit Nysten, de faire un récit succinct des peines que je me suis données et des dangers que j’ai courus ce jour-là pour satisfaire mon zèle.

« Je sors à dix heures du matin de chez moi, l’appareil vertical de Volta à la main, pour me rendre à un des pavillons de l’École de médecine et y continuer mes expériences. En entrant dans la rue de l’Observance, j’entends annoncer par un colporteur la condamnation d’un criminel à la peine de mort. J’achète le jugement et je vois qu’il doit être mis à exécution le même jour, 14 brumaire. Je me rends chez le citoyen Thouret, directeur de l’École. Je lui témoigne le désir que j’ai de tenter sur le cœur de l’homme les expériences que j’ai faites sur le cœur de plusieurs animaux. J’ajoute qu’on va supplicier un criminel et que si je suis secondé, j’ai résolu de faire toutes les démarches nécessaires pour ne pas laisser échapper une semblable occasion. Le citoyen Thouret s’empresse d’écrire à ce sujet au préfet de police. Je me transporte à la préfecture. J’obtiens une autorisation en vertu de laquelle le corps de celui qu’on allait faire mourir est mis à ma disposi-

  1. Nouvelles Expériences galvaniques faites sur les organes musculaires de l’homme et des animaux à sang rouge, par lesquelles, en classant ces divers organes sous le rapport de la durée de leur excitabilité galvanique, on prouve que le cœur est celui qui conserve le plus longtemps cette propriété, par P.-H. Nysten, médecin de la Société des observateurs de l’homme et de celle de l’École de médecine, in-8o, an IX.