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possible, et formuler l’appel le plus hardi qu’un gouvernement ou une compagnie savante ait jamais fait à la pensée publique. Ce rapprochement entre les effets du galvanisme et les phénomènes vitaux était, en effet, dans les opinions du siècle, comme il est peut-être dans la nature des choses. Quoi qu’il en soit, nous allons voir comment fut parcourue la route que les maîtres de la science désignaient du doigt aux expérimentateurs.



CHAPITRE V

action de l’électricité dynamique sur l’économie animale. — expérience de sultzer. — observation de cotugno. — fait de swammerdam. — impulsion donnée par les découvertes de galvani à l’étude des effets de l’électricité sur les mouvements organiques. — expériences de larrey et de j.-j. sue sur les contractions provoquées par l’arc de galvani sur des membres amputés. — recherches de bichat. — essais faits à turin par vassali-endi, giulio et rossi sur le corps des suppliciés. — expériences de nysten à paris. — la société galvanique. — expériences faites à londres par aldini sur le cadavre d’un pendu. — résultats obtenus par aldini à l’école vétérinaire d’alfort. — galvanisation du cadavre de carney. — expériences des médecins de mayence sur les corps des suppliciés de la bande de schinderhannes. — résultats extraordinaires obtenus à londres par le docteur ure sur le corps de l’assassin clydesdale. — conclusion.

On avait observé, avant Galvani, quelques faits de peu d’importance, relativement à l’action qu’exercent sur l’économie animale les métaux placés dans certaines conditions. Mais ces phénomènes n’avaient aucunement attiré l’attention, parce qu’ils ne répondaient alors à rien de connu. D’ailleurs, ces manifestations fortuites de l’électricité animale, étaient bien faibles.

En 1760, Sultzer, professeur à l’Académie de Berlin, découvrit que deux disques de plomb et d’argent, mis en contact, développent une impression particulière, appréciable à l’organe du goût. Sultzer consigna ce fait dans un écrit qui n’avait aucun rapport avec les sciences physiques, et qui parut dans les Mémoires à l’Académie de Berlin, sous le titre de Théorie générale du plaisir[1].

« Si l’on joint, dit Sultzer, deux pièces de métal, une de plomb et l’autre d’argent, de manière que les deux bords forment un même plan, et qu’on les approche sur la langue, on sentira quelque goût assez approchant au goût de vitriol de fer ; au lieu que chaque pièce à part ne donne aucune trace de ce goût. Il n’est pas probable que, par cette conjonction des deux métaux, il arrive quelque solution de l’un ou de l’autre, et que les particules dissoutes s’insinuent dans la langue. Il faut donc conclure que la jonction de ces métaux opère dans l’un ou l’autre, ou dans tous les deux, une vibration de leurs particules, et que cette vibration, qui doit nécessairement affecter les nerfs de la langue, y produit le plaisir mentionné. »

En rapportant cette expérience, Sultzer n’avait en vue que d’expliquer, suivant les idées philosophiques de son temps, les mouvements agréables qui résultent de nos différentes sensations. Il voulait démontrer ce principe, que l’âme ne peut avoir de sensation sans un mouvement matériel excité dans les nerfs. Le fait rapporté par Sultzer n’avait donc qu’un rapport très-éloigné avec une expérience de physique, et c’est bien à tort qu’on a voulu trouver dans cette observation l’origine des découvertes de Galvani[2].

Disons en passant que l’idée inexacte de rapporter à Sultzer les premières observations relatives au galvanisme, a été émise pour la première fois dans le Journal des Débats, alors à son aurore : « On a prouvé aux physiciens, est-il dit dans ce journal, que la découverte du galvanisme se trouve dans un ouvrage qui a paru à Bouillon, en 1769, intitulé : Le Temple du bonheur. »

D’après le Journal encyclopédique de Bologne[3], Cotugno, professeur à Naples, dissé-

  1. Ce mémoire de Sultzer se trouve reproduit au t. III, p. 124, d’une collection qui parut en 1769, à Bouillon, dans les Pays-Bas, intitulée : Le Temple du bonheur, et qui n’est qu’un recueil des meilleurs traités de morale et de philosophie sur le bonheur.
  2. Journal des Débats, des 4e et 5e jours complémentaires an IX, et du 7 vendémiaire an X.
  3. 1786, no 8 du journal.