Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/617

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

rieur du muscle au nerf, et du nerf au muscle à travers l’arc excitateur.

De nombreux physiciens se sont occupés, à notre époque, de l’étude des phénomènes électriques qui se manifestent dans le corps des animaux. MM. Matteucci, de La Rive, Du Boys-Raymond, ont mis hors de doute l’existence d’un courant propre dans les divers animaux, et la loi énoncée par Galvani, quant à la circulation de l’électricité positive de l’intérieur du muscle au nerf et du nerf au muscle, à travers l’arc excitateur, a reçu une confirmation complète.

« Galvani, dit M. Gavarret, dans le discours que nous avons déjà cité, sentait tout ce qu’il y avait d’extraordinaire et d’audacieux dans cette assimilation d’un muscle à une bouteille de Leyde. Il s’arrête longtemps sur cette proposition, il y revient, avec une sorte de complaisance, dans plusieurs passages de ses ouvrages ; il ne veut pas qu’on puisse la considérer comme une hypothèse dénuée de fondement. Il rappelle le phénomène bien connu de la distribution de l’électricité à la surface de la tourmaline ; il fait remarquer que ce minéral est composé de deux substances, l’une fortement colorée et transparente, l’autre opaque, plus pâle et disposée en stries. Il fait dépendre sa polarité électrique de cette texture particulière, et dès lors il ne trouve plus de difficulté à admettre qu’un muscle puisse, lui aussi, contenir les deux électricités séparées. Assemblage de nerfs, de faisceaux cellulaires, de fibres propres, et de vaisseaux sanguins entrelacés dans toutes les directions, le muscle lui paraît bien mieux disposé que la tourmaline pour accumuler l’électricité positive à l’intérieur et la négative à l’extérieur. En l’absence d’expériences directes, il était difficile de se montrer plus ingénieux dans ses rapprochements et plus pressant dans l’argumentation.

« D’ailleurs, ajoute-t-il, de quelque manière que cela se passe, il y a une telle identité apparente de causes entre la décharge de la bouteille de Leyde et nos contractions musculaires, que je ne puis détourner mon esprit de cette hypothèse et de cette comparaison, ni m’empêcher d’assigner une même cause à ces deux ordres de phénomènes. »

Jusqu’à 1791 Galvani, occupé depuis onze années à des expériences exécutées sans relâche, n’avait encore donné au monde savant aucun exposé de ses travaux. Ce n’est qu’après ce long intervalle qu’il se décida à livrer ses idées au public. Il consigna l’ensemble de ses découvertes dans un travail admirable de clarté, de précision, de méthode et de style, qui fut inséré dans les Mémoires de l’Académie de Bologne[1].

Le travail de Galvani, De viribus electricitatis in motu musculari, est divisé en deux parties : la première contient l’exposé descriptif des phénomènes que sa merveilleuse sagacité lui avait permis d’observer ; la seconde renferme les conclusions générales qu’il déduit de ses expériences, avec l’hypothèse qu’il propose, tant pour expliquer les faits déjà acquis, que pour ouvrir la voie à des découvertes nouvelles : « Novis capiendis experimentis viam sternamus aliquam. »

Ce mémoire de l’illustre anatomiste de Bologne est une des œuvres capitales du xviiie siècle. L’électricité statique, c’est-à-dire l’électricité en repos, celle qui est fournie par les machines à frottement, était la seule que les physiciens eussent connue jusqu’à cette époque. C’est grâce aux recherches de Galvani que l’électricité dynamique, c’est-à-dire l’électricité en mouvement, s’est révélée pour la première fois à l’observation des hommes qu’elle devait enrichir de tant de conquêtes et de bienfaits inespérés. On a donc eu grand tort, dans notre siècle, de rabaisser le génie de Galvani devant celui de Volta. Sans la sagacité merveilleuse avec laquelle Galvani poursuivit pendant onze années consécutives l’un des problèmes les plus compliqués que la science ait jamais abordés, nous ne connaîtrions pas encore la plus générale, la plus puissante peut-être de toutes les forces physiques, c’est-à-dire l’électricité en mouvement.

  1. Aloysii Galvani De viribus electricitatis in motu musculari Commentarius (De Bononiensi Scientiarum et Artium Instituto et Academiâ Commentarii, t. VII, p. 363, 1791, in-folio).

    En 1844, l’Institut de Bologne a fait paraître, en un beau volume in-4o, la collection des mémoires de Galvani, avec une analyse de ses manuscrits faite avec beaucoup de soin et d’intelligence par M. Gherardi. C’est grâce à cette publication que notre époque a pu connaître exactement le célèbre physicien de Bologne et apprécier son génie.