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le sens nous échappe, servir à la synthèse ou à la recomposition des corps. Si l’électricité de la pile peut décomposer l’eau en ses éléments, à l’inverse, une étincelle électrique, qui peut être fournie par la pile, provoque la combinaison de l’hydrogène et de l’oxygène gazeux, et détermine la formation de l’eau, par l’union chimique de ces deux gaz. Enfin, grâce à l’emploi de courants électriques faibles et continus, on parvient à reproduire, avec le secours du temps, certaines espèces minérales qui existent dans la nature.

La pile de Volta, qui produit de si remarquables effets physiques et chimiques, provoque encore d’importants phénomènes physiologiques. En circulant au sein de nos organes, l’électricité issue de la pile, reproduit ces intimes ébranlements que l’innervation a le privilége d’y exciter. Elle réveille nos fonctions endormies, met en action les appareils organiques ; elle galvanise, suivant l’expression consacrée, le cadavre des animaux récemment tués, et simule les phénomènes qui sont propres à la vie.

Si, avec les deux mains humectées d’eau, on touche à la fois, les deux fils conducteurs d’une pile en activité, on éprouve aussitôt une vive commotion. On ressent dans les articulations des doigts et de la main, une secousse, pareille à celle que l’on éprouve quand on touche à la fois les deux garnitures d’une bouteille de Leyde. Seulement, la bouteille de Leyde ne donne qu’une seule commotion ; pour en obtenir une autre, il faut recharger la bouteille. Ici, au contraire, la secousse se renouvelle continuellement ; la pile de Volta joue le rôle d’une bouteille de Leyde qui se rechargerait sans cesse et d’elle-même, qui après avoir produit un effet électrique se rechargerait d’électricité et subitement et spontanément.

Placez sur le bout de la langue le pôle zinc de cet instrument, et sur un autre point du même organe le pôle cuivre, vous percevrez l’impression d’une saveur acide. Changez les deux fils de place, la saveur perçue sera alcaline.

Le sens de la vue peut être excité, comme celui du goût, par le courant de la pile ; et, résultat singulier, la sensation lumineuse peut être provoquée sans que le fil conducteur touche l’organe de la vue. Si l’on applique sur la joue, sur les lèvres, ou sur une partie quelconque du visage, préalablement humectée d’eau, le fil conducteur de l’un des pôles, à l’instant où l’on saisit avec la main l’autre extrémité, on aperçoit un faible éclair en tenant les yeux fermés.

Si l’on place les deux fils de la pile sur les oreilles humectées d’eau, ou bien entre une oreille et quelque autre partie humectée du visage, on entend aussitôt des sons ou des bruits successifs et répétés.

Ce n’est pas seulement sur les organes vivants que la pile voltaïque exerce son influence. Elle réveille sur le cadavre des animaux les actions organiques qui viennent de s’éteindre par la mort. En faisant, par des moyens convenables, circuler le courant électrique dans les muscles pectoraux d’un animal récemment tué, on voit renaître sur le cadavre, l’acte mécanique de la respiration. Soumis au même genre d’expérimentation, on a vu des hommes suppliciés exécuter les phénomènes de la vie organique, leurs mains s’agiter et soulever des poids, le tronc se relever à demi, et les muscles de la face en proie à de si effrayantes contorsions, que les témoins de cette étrange scène s’enfuyaient épouvantés.

Source de lumière et de chaleur, agent de force motrice, moyen puissant d’action chimique, instrument de phénomènes physiologiques variés, la pile voltaïque réalise donc cet idéal Protée conçu pour un autre ordre d’idées par la poétique imagination des anciens. Produire de la chaleur et de la lumière, créer des forces motrices, ramener les corps à leurs éléments primitifs, combiner entre eux ces éléments, réveiller au sein des