Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tiquées les ouvertures nécessaires. Au moyen d’un feu modéré, le tube A qui est en métal très-mince, s’échauffe bientôt, et l’eau changée en vapeur exerce une pression assez forte pour vaincre le poids de l’atmosphère, et pousser en haut le piston B jusqu’au moment où le trou H de la tige du piston s’élève au-dessus du couvercle ; alors on entend le bruit de la verge EH, poussée dans l’ouverture H par le ressort. Il faut, dans ce moment, ôter aussitôt le feu, et les vapeurs renfermées dans le tube à minces parois se résolvent bientôt en eau par l’action du froid, et laissent le tube parfaitement vide d’air. On retire ensuite la verge EH de l’ouverture H, ce qui permet à la tige de redescendre ; aussitôt le piston B éprouve la pression de tout le poids de l’atmosphère, qui produit avec d’autant plus de force ce mouvement désiré que le diamètre du tube est plus grand. On ne peut douter que le poids de la colonne atmosphérique ne soit mis tout entier à profit dans des tubes de cette espèce. J’ai reconnu, par expérience, que le piston élevé par la chaleur au haut du tube redescendait peu après jusqu’au fond, et cela à plusieurs reprises, en sorte que l’on ne peut supposer l’existence de la plus petite quantité d’air qui resterait dans le fond du tube ; or mon tube, dont le diamètre n’excède pas deux doigts, élève cependant un poids de soixante livres (29kil,370) avec la même vitesse que le piston descend dans le tube, et le tube lui-même pèse à peine cinq onces (152gr). Je suis donc convaincu qu’on pourrait faire des tubes pesant au plus quarante livres chacun (19kil,580), et qui cependant pourraient à chaque mouvement élever à quatre pieds (1m,299) de haut un poids de deux mille livres (979kil). J’ai éprouvé, d’ailleurs, que l’espace d’une minute suffit pour qu’avec un feu modéré le piston soit porté jusqu’au haut de mon tube ; et comme le feu doit être proportionné au diamètre des tubes, de très-grands tubes pourraient être échauffés presque aussi vite que des petits : on voit clairement par là quelles immenses forces motrices on peut obtenir au moyen d’un procédé si simple, et à quel bas prix. On sait en effet que la colonne d’air pesant sur un tube d’un pied (0m,32) de diamètre égale à peu près deux mille livres ; que si le diamètre est de deux pieds (0m,65), ce poids sera environ de huit mille livres (3 916kil), et que la pression augmentera, ainsi de suite, en raison des diamètres, il suit de là que le feu d’un fourneau qui aurait un peu plus de deux pieds (0m,65) de diamètre suffirait pour élever à chaque minute huit mille livres (3 916kil) pesant à une hauteur de quatre pieds (1m,299) si l’on avait plusieurs tubes de cette hauteur, car le feu, renfermé dans un fourneau de fer un peu mince, pourrait être facilement transporté d’un tube à un autre ; et ainsi le même feu procurerait continuellement, soit dans l’un, soit dans l’autre tube, ce vide dont les effets sont si puissants. Si l’on calcule maintenant la grandeur des forces que l’on peut obtenir par ce moyen, la modicité des frais nécessaires pour acquérir une quantité de bois suffisante, on avouera sans doute que notre méthode est de beaucoup supérieure à l’usage de la poudre à canon, dont on a parlé plus haut, surtout puisqu’on obtient ainsi un vide parfait, et qu’on obvie aux inconvénients que nous avons énumérés.

« Comment peut-on employer cette force pour tirer hors des mines l’eau et le minerai, pour lancer des globes de fer à de grandes distances, pour naviguer contre le vent et pour faire beaucoup d’autres applications ? C’est ce qu’il serait beaucoup trop long d’examiner. Mais chacun, dans l’occasion, doit imaginer un système de machines approprié au but qu’il se propose. Je dirai cependant ici en passant sous combien de rapports une force motrice de cette nature serait préférable à l’emploi des rameurs ordinaires pour imprimer le mouvement aux vaisseaux : 1o les rameurs ordinaires surchargent le vaisseau de tout leur poids, et le rendent moins propre au mouvement ; 2o ils occupent un grand espace, et par conséquent embarrassent beaucoup sur le vaisseau ; 3o on ne peut pas toujours trouver le nombre d’hommes nécessaire ; 4o les rameurs, soit qu’ils travaillent en mer, soit qu’ils se reposent dans le port, doivent toujours être nourris, ce qui n’est pas une petite augmentation de dépense. Nos tubes, au contraire, ne chargeraient, comme on l’a dit, le vaisseau que d’un poids très-faible ; ils occuperaient peu de place ; on pourrait se les procurer en quantité suffisante s’il existait une fois une fabrique pour les confectionner ; et enfin ces tubes ne consumeraient du bois qu’au moment de l’action, et n’entraîneraient aucune dépense dans le port. Mais comme des rames ordinaires seraient mues moins commodément par des tubes de cette espèce, il faudrait employer des roues à rames telles que je me souviens d’en avoir vu dans la machine construite à Londres par l’ordre du sérénissime prince palatin Rupert. Elle était mise en mouvement par des chevaux à l’aide de rames de cette espèce, et laissait de bien loin derrière elle la chaloupe royale, qui avait cependant seize rameurs. Il n’est pas douteux que nos tubes ne pussent imprimer un mouvement de rotation à des rames fixées à un axe, si les tiges des pistons étaient armées de dents qui s’engrèneraient nécessairement dans des roues également dentées et fixées à l’axe des rames. Il serait nécessaire que l’on adaptât trois ou quatre tubes au même axe, pour que son mouvement pût continuer sans interruption. En effet, tandis qu’un piston toucherait au fond de son tube, et ne pourrait plus, par conséquent, faire tourner l’axe avant que la force de la vapeur l’eût élevé au sommet du tube, on pourrait, au moment même, éloigner l’arrêt d’un autre piston qui, en descendant, continuerait le mouvement de l’axe. Un autre piston serait ensuite poussé de la même manière et exercerait sa force motrice sur le même axe, tandis que les pistons abaissés en premier lieu seraient de nouveau élevés par