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ensuite le bas du cylindre, à l’aide d’un brasier.
Fig. 29.
L’eau arrive à l’ébullition, et la vapeur acquiert assez de puissance pour soulever le piston et le pousser jusqu’au haut de sa course. Cet effet obtenu, on pousse le cliquet E, qui, s’enfonçant dans une rainure de la tige H, arrête et maintient le piston dans cette position. On éloigne alors le brasier, le cylindre se refroidit, la vapeur se condense, le vide se fait par conséquent au-dessous du piston. Si alors on retire le cliquet E, le piston, pressé par tout le poids de l’atmosphère extérieure, se précipite aussitôt au fond du cylindre et peut ainsi servir à élever des poids que l’on aurait attachés à l’extrémité de la corde L, fixée à la tige du piston et s’enroulant sur deux poulies T, T.

Mais le lecteur est sans doute désireux d’avoir connaissance du mémoire entier dans lequel Denis Papin a consigné ses idées. Nous allons donc mettre sous ses yeux la traduction de son mémoire original, lequel parut, comme nous l’avons dit, au mois d’août 1690, dans les Actes des érudits de Leipsick, sous ce titre : Nouvelle Méthode pour obtenir à bas prix des forces considérables.

« Dans la machine destinée au nouvel usage que l’on voulait faire de la poudre à canon, et dont la description se trouve dans les Actes des érudits du mois de septembre 1688, on désirait surtout, dit Papin, que la poudre allumée dans la partie inférieure du tube remplît de flamme sa capacité entière, pour que l’air en fût complétement chassé, et que le tube placé au-dessous du piston restât tout à fait vide d’air. On a dit alors que le résultat n’avait pas été satisfaisant, et que, malgré toutes les précautions dont on a parlé, il était toujours resté dans le tube environ la cinquième partie de l’air qu’il peut contenir. De là deux inconvénients : 1o on n’obtient que la moitié de l’effet désiré, et l’on n’élève à la hauteur d’un pied qu’un poids de cent cinquante livres (73kil,425), au lieu de trois cents (146kil,850) qui auraient dû être élevées si le tube avait été parfaitement vide, 2o à mesure que le piston descend, la force qui le presse du haut en bas diminue graduellement, comme on l’a observé au même endroit. Il est donc indispensable que nous tentions, par un moyen quelconque, de diminuer la résistance dans la même proportion que la force motrice diminue elle-même, pour que cette force motrice la surpasse jusqu’à la fin. C’est ainsi que dans les horloges portatives (les montres), on ménage avec art la force inégale du ressort qui meut tout le système, afin que pendant tout le temps il puisse vaincre avec une égale facilité la résistance des roues. Mais il serait bien plus commode encore d’avoir une force motrice toujours égale depuis le commencement jusqu’à la fin. On a donc fait dans ce but quelques essais pour obtenir un vide parfait à l’aide de la poudre à canon ; car, par ce moyen, comme il n’y aurait plus d’air pour résister au piston, toute la colonne atmosphérique supérieure pousserait ce piston jusqu’au fond du tube avec une force uniforme. Mais jusqu’à ce moment toutes les tentatives ont été infructueuses, et après l’extinction de la poudre enflammée il est toujours resté dans le tube environ la cinquième partie de l’air. J’ai donc essayé de parvenir par une autre route au même résultat, et comme, par une propriété qui est naturelle à l’eau, une petite quantité de ce liquide, réduite en vapeur par l’action de la chaleur, acquiert une force élastique semblable à celle de l’air, et revient ensuite à l’état liquide par le refroidissement, sans conserver la moindre apparence de sa force élastique, j’ai été porté à croire que l’on pourrait construire des machines où l’eau, par le moyen d’une chaleur modérée, et sans frais considérables, produirait le vide parfait que l’on ne pouvait pas obtenir à l’aide de la poudre à canon. Parmi les différentes constructions que l’on peut imaginer à cet effet, voici celle qui m’a paru la plus commode[1].

« A est un tube d’un diamètre partout égal, exactement fermé dans sa partie inférieure ; B est un piston adapté à ce tube ; H, un manche, ou tige, fixé au piston ; EH une verge de fer qui se meut horizontalement autour de son axe : un ressort presse la verge de fer EH, de manière à la pousser nécessairement dans l’ouverture H aussitôt que le piston et sa tige sont élevés à une hauteur telle que l’ouverture soit au-dessus du couvercle ; C est un petit trou pratiqué dans le piston, par lequel l’eau peut sortir du fond du tube A lorsqu’on enfonce, pour la première fois, le piston dans ce tube.

« Voici quel est l’usage de cet instrument : on verse dans le tube A une petite quantité d’eau, à la hauteur de trois ou quatre lignes (0m,0067 ou 0m,009), puis on introduit le piston, et on le pousse jusqu’au fond jusqu’à ce qu’une partie de l’eau versée sorte par le trou C ; alors ce trou est fortement bouché par la verge M ; on place ensuite le couvercle où sont pra-

  1. Voyez la figure 29.