Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/58

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de Huygens, ont d’ailleurs trop peu d’importance pour les signaler ici.

Cependant il était facile de deviner que les effets mécaniques provoqués par ce moyen, ne présenteraient qu’une puissance médiocre, parce qu’il était impossible, par la seule détonation de la poudre, de chasser entièrement l’air contenu dans le cylindre. En outre, comme le démontra le physicien anglais Robert Hooke, l’air, en raison de sa compressibilité, pouvait rester en partie dans le tube. Par suite de cette circonstance, si le tube présentait une certaine longueur, le mouvement du piston devenait presque insensible.

Pour parer à cet inconvénient capital, Papin essaya de faire également le vide dans le tube. Mais l’expérience montra qu’il restait toujours dans l’appareil assez d’air pour annuler la plus grande partie des effets de la pression extérieure.

C’est alors que Papin, réfléchissant sur les agents qu’il serait permis d’employer pour remplacer la poudre à canon, comme moyen de faire le vide dans un corps de pompe, eut l’idée, hardie et profondément nouvelle, d’employer la vapeur d’eau à cet usage.

Dans l’histoire de la machine à vapeur, on ne peut accorder à Papin autre chose que l’idée d’employer la vapeur d’eau comme moyen de faire le vide ; mais cette pensée, véritable inspiration du génie, suffit à l’immortaliser. Elle honorera à jamais son nom, son siècle et sa patrie[1].

Le mémoire dans lequel Papin propose, pour la première fois, l’emploi d’une machine ayant pour principe moteur la force élastique de la vapeur d’eau, fut publié en latin dans les Actes de Leipsick, au mois d’août 1690, sous ce titre : Nova Methodus ad vires motrices validissimas levi pretio comparandas (Nouvelle Méthode pour obtenir à bas prix des forces motrices considérables). Papin commence par rappeler les essais infructueux qu’il a faits antérieurement, pour perfectionner la machine à poudre.

« Jusqu’à ce moment, dit-il, toutes ces tentatives ont été inutiles, et après l’extinction de la poudre enflammée, il est toujours resté dans le cylindre environ la cinquième partie de l’air. J’ai donc essayé de parvenir, par une autre route, au même résultat ; et comme, par une propriété qui est naturelle à l’eau, une petite quantité de ce liquide, réduite en vapeurs par l’action de la chaleur, acquiert une force élastique semblable à celle de l’air et revient ensuite à l’état liquide par le refroidissement, sans conserver la moindre apparence de sa force élastique, j’ai cru qu’il serait facile de construire des machines où l’air, par le moyen d’une chaleur modérée, et sans frais considérables, produirait le vide parfait que l’on ne pouvait pas obtenir à l’aide de la poudre à canon. »

La figure 29 fera comprendre les éléments de la machine que Papin proposa pour utiliser les effets mécaniques de la vapeur d’eau.

A est un cylindre de cuivre fermé par le bas, ouvert par le haut et contenant un peu d’eau à sa partie inférieure. Ce cylindre est parcouru par un piston mobile B. Un orifice C traverse ce piston, et a pour effet de permettre d’abaisser celui-ci jusqu’à ce que sa face inférieure touche l’eau, en donnant issue à l’air qui existe au-dessous. Quand on a ainsi chassé l’air du cylindre, on bouche cet orifice C avec la tige M ; on échauffe

  1. Bien qu’il soit difficile de remonter, par la pensée, la suite d’idées qui amènent un homme de génie à la réalisation d’une grande découverte, il ne nous semble pas impossible de déterminer comment Papin fut conduit à reconnaître ce fait fondamental, que la condensation de la vapeur d’eau donne le moyen d’opérer le vide dans un espace fermé. Si nous ne nous trompons, il puisa cette idée dans une expérience faite en 1660 par Robert Boyle. Le physicien irlandais avait reconnu qu’en plongeant dans l’eau froide un éolipyle ou un tube de verre rempli de vapeurs, l’eau s’y élevait aussitôt et remplissait l’éolipyle comme par succion. Boyle, qui conservait encore les anciennes idées sur la transformation de l’eau en air par la chaleur, et qui parle ailleurs des moyens d’engendrer l’air artificiellement, ne put se rendre un compte exact de ce phénomène. Mais trente ans après, Papin, plus familiarisé avec l’usage et les propriétés de la vapeur, en reconnut la véritable nature, et il y trouva le moyen de faire le vide à volonté dans un espace clos. (Voyez le passage original dans l’ouvrage de Boyle : New Experiments physico-mechanical touching the spring of the air and its effects, p. 31-36. Oxford, 1660.)