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ses ennemis, pour être opposée à son système. Ayant ensuite acquis la certitude qu’il existait bien réellement à Philadelphie, une personne du nom de Benjamin Franklin, et que les expériences décrites n’avaient pas été imaginées à plaisir, il se mit en devoir de les réfuter.

C’est principalement dans ses Lettres sur l’électricité que Nollet a attaqué les idées de son rival[1]. C’est là qu’il nie formellement l’utilité du paratonnerre.

L’opposition de Nollet est d’autant plus difficile à expliquer, que ce physicien, comme nous avons eu soin de le faire remarquer, avait, l’un des premiers en France, soupçonné l’origine électrique du tonnerre, et exposé cette analogie sous la forme d’une probabilité séduisante, dans un passage que nous avons rapporté en son lieu[2]. Il est bien surprenant, d’après cela, que Nollet élève des objections contre un résultat qui ne fait que confirmer ses propres vues, qu’il n’ait que des paroles de blâme pour les principes du physicien de Philadelphie, et qu’au lieu d’applaudir à la découverte du paratonnerre, il appelle cette invention admirable « le petit écart de M. Franklin ».

La septième des Lettres de l’abbé Nollet sur l’électricité, adressée à Franklin, a pour sujet l’analogie du tonnerre avec l’électricité. Nous en citerons quelques passages qui feront bien connaître les sentiments de cet écrivain sur le sujet dont nous parlons.

Nollet entre en matière en rappelant doucereusement que Franklin n’est point l’auteur des expériences où l’on a constaté pour la première fois la présence de l’électricité dans l’air : ces expériences, que Franklin s’est borné à proposer, ont été exécutées, non par lui, mais « par de courageux prosélytes ».

« Si le commerce de nouvelles que vous entretenez entre Philadelphie et Londres, par les feuilles périodiques dont on dit que vous êtes auteur, vous a mis à portée d’entendre parler des découvertes physiques qui ont été publiées par les gazettes, et nommément par celle de France du 27 mai 1752, vous aurez été sans doute bien satisfait d’y trouver le succès d’une expérience à laquelle vous avez la gloire d’avoir pensé le premier, mais dont l’exécution était réservée à MM. Dalibard et Delor, tous deux zélés partisans de votre doctrine. Plus touchés du merveilleux pouvoir que vous attribuez aux pointes, que des raisons qui pouvaient s’opposer à l’application importante que vous proposiez d’en faire, ces courageux prosélytes ont eu, heureusement pour la physique, assez de confiance pour tenter cette épreuve, que vous n’aviez fait qu’indiquer. Je dis heureusement pour la physique, car quoiqu’on ne tire pas de cette belle expérience l’avantage dont on s’était flatté en la faisant dans vos vues, il en résulte toujours, soit immédiatement, soit par occasion, des connaissances d’un grand prix, et selon moi, le fait de Marly-la-Ville, comme celui de Leyde, doit faire époque dans l’histoire de l’électricité[3]. »

Nollet rappelle ensuite que l’idée de l’analogie de l’électricité et du tonnerre avait été exposée par lui en termes assez formels, dès l’année 1748, dans ses Leçons de physique expérimentale. Il continue en ces termes :

« Je suis extrêmement flatté, Monsieur, de pouvoir vous prouver par ce passage que je viens de citer, le parfait accord qui se trouve entre vos pensées et les miennes, sur l’identité de la matière électrique avec celle du tonnerre. J’espère que quand cette conformité d’opinions vous sera connue, comme elle l’est en France, vous n’approuverez pas que votre éditeur français ait affecté de vous en faire honneur, sans faire mention des physiciens de son pays qui peuvent y avoir part ; et sans me prévaloir en aucune façon de mon antériorité de date, je serai très-content de pouvoir seulement partager avec vous et avec les auteurs qui ont pensé comme nous, l’honneur que l’expérience vient de faire à nos conjectures, en les faisant passer au rang des vérités prouvées.

« Oui, je ne crains pas de le dire, les pointes de fer électrisées en plein air dans les temps d’orage, et toutes les épreuves de ce genre qui ont été faites depuis, et qui se font encore tous les jours, nous montrent incontestablement que le tonnerre est un phénomène électrique ; que la matière de ce météore est la même que nous voyons briller autour de nos tubes, de nos globes, de nos barres de fer ; et que tous ces jeux philosophiques dont nous nous occupons, nous, depuis tant d’années dans nos cabinets, sont de petites imitations ou plutôt des portions de

  1. Ces Lettres sont en deux volumes. Le premier parut en 1754, l’autre six ans après.
  2. Page 510.
  3. Lettres sur l’électricité, dans lesquelles on examine les découvertes qui ont été faites sur cette matière depuis l’année 1752. 1re partie, lettre 7e.