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paysans qui subvenaient, par le travail de leurs mains, aux besoins de la famille. Il avait manifesté de bonne heure, d’heureuses dispositions pour l’étude, et sa mère envisageait avec peine l’idée de le voir traîner, comme elle, une existence pénible dans les durs travaux de la campagne. Elle aspirait au bonheur de voir son fils embrasser une carrière libérale, et s’élever dans les voies de la religion, ou dans celles de la science.

Un soir, le curé de Pimprèz fut appelé au conseil de la famille ; et le départ du jeune Antoine fut résolu. Les bons paysans s’imposèrent les sacrifices nécessaires pour entretenir leur fils, dans leur province, au collége de Clermont, et plus tard à celui de Beauvais. Là, les dispositions naturelles du jeune homme se montrèrent dans tout leur jour, et souvent le directeur de la maison de Beauvais félicitait les pauvres laboureurs de Pimprèz des grandes qualités qu’il remarquait dans leur fils, et de la détermination qu’ils n’avaient pas craint d’adopter à son égard.

Au sortir des études classiques, le jeune Nollet fut envoyé à Paris. C’était là un grand effort pour de pauvres paysans, qui, tout en se condamnant aux privations les plus dures, pour maintenir leur fils dans la capitale, étaient loin encore de pouvoir suffire à une telle charge. Mais on comptait sur la Providence, qui vient en aide aux cœurs dévoués.

Elle ne fit pas défaut à tant de confiance. Un greffier de l’Hôtel-de-ville, nommé Taitbout, frappé de la régularité de mœurs et des connaissances variées du jeune Nollet, le prit pour précepteur de ses enfants. Dès lors tous ses désirs se trouvèrent satisfaits. Il put, grâce aux fruits de son travail, adoucir, pour ses vieux parents, les rigueurs de la vie, et reconnaître les sacrifices qu’ils s’étaient imposés pour lui. En même temps, dans l’intervalle que lui laissaient les soins de l’éducation des fils du greffier, il continuait ses propres études, et suivait, comme élève de philosophie, les leçons de la Faculté des arts. Son goût pour la physique et la mécanique se développa alors librement.

À cette époque de sa vie, Nollet prit la résolution d’entrer dans les ordres. La simplicité de ses goûts, la sévérité de ses principes, son application au travail, parurent à ses protecteurs comme une marque de vocation pour l’état ecclésiastique. Nollet aborda donc une carrière qu’il devait abandonner bientôt. Il s’appliqua aux études sacrées, dans la Faculté de théologie, qu’il fréquentait en même temps que celle des arts. Il reçut le diaconat en 1728 ; mais il ne devait pas aller jusqu’à l’ordination.

En même temps qu’il recevait de l’Église le titre de diacre, il obtenait, de la Faculté des arts, celui de licencié, et c’est dans la carrière des sciences qu’une vocation décidée le tint fixé jusqu’à la fin de sa vie. Il conserva toujours le titre et le costume d’abbé, mais il n’exerça aucune fonction du sacerdoce.

À partir de ce moment, Nollet, entièrement voué à la culture des sciences, et promptement distingué par les physiciens de la capitale, s’attacha successivement à Réaumur et à Dufay. Avec Réaumur, il travailla aux études thermométriques qui ont immortalisé le nom de ce physicien. Il s’adonna, avec Dufay, aux expériences sur l’électricité, sujet alors tout nouveau, et qui, fixant définitivement ses goûts, l’occupa jusqu’à la fin de ses jours.

Sans entrer ici dans d’autres détails sur la carrière scientifique de Nollet, nous dirons qu’il ouvrit le premier en France, des cours publics de physique. Secondé par l’Université de Paris, qui commençait à comprendre l’intérêt que devaient trouver le public et la génération nouvelle à la diffusion des sciences, il obtint de Louis XV l’autorisation d’organiser un cours de physique expérimentale, dont la chaire lui fut accordée. Ce cours public de physique, le premier qui ait eu lieu dans la capitale, fut inauguré, en 1735, au collége de Navarre. Ce collége, qui appartenait à l’Université de Paris, avait été établi en 1304,