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plus considérables dont la physique se soit enrichie. Aussi la grande expérience que nous allons rapporter reçut-elle le nom d’expérience de Marly, de même que l’on avait désigné sous le nom d’expérience de Leyde, celle de la bouteille de Musschenbroek.

Le 10 mai 1752, un orage vint à éclater sur Marly. Dalibard était alors absent, il se trouvait à Paris ; mais il avait, au moment de son départ, confié le soin de surveiller la machine à un menuisier nommé Coiffier, ancien dragon, homme sur l’intelligence et l’intrépidité duquel on pouvait compter. Dalibard avait d’avance donné à ce gardien fidèle toutes les instructions et les avis nécessaires, tant pour faire les observations durant son absence, que pour se garantir, le cas échéant, des dangers de l’expérience. Il lui avait remis, pour tirer des étincelles de la barre, une tige de fer emmanchée dans une bouteille de verre, disposition que représentait le petit appareil que l’on désigne aujourd’hui sous le nom d’excitateur, au moyen duquel on tire des étincelles d’un corps électrisé, sans inconvénient pour l’opérateur. Il lui avait d’ailleurs expressément recommandé de s’entourer de quelques personnes, et surtout d’envoyer chercher le curé de Marly, M. Raulet, dès qu’il se présenterait quelque apparence d’orage.

Le moment désiré arriva enfin.

Le 10 mai, à deux heures de l’après-midi, Coiffier entend retentir un assez fort coup de tonnerre. Aussitôt il court à l’appareil, et prenant la petite tige de fer emmanchée dans la bouteille, il la présente à la barre métallique, et à une faible distance il en voit sortir une petite étincelle qui pétille avec bruit. Une seconde étincelle part bientôt, plus forte que la précédente. Coiffier se hâte alors d’appeler ses voisins et d’envoyer chercher le curé de Marly.

Dès qu’il est averti, le bon prieur, malgré une pluie battante mêlée de grêle, accourt de toute la vitesse de ses jambes. Témoins de l’empressement inusité et de l’émotion de leur pasteur, beaucoup d’habitants du village se hâtent de le suivre, s’imaginant d’abord que Coiffier a été tué d’un coup de tonnerre. Le jardin de Dalibard se remplit ainsi de spectateurs.

Au milieu de cette foule étonnée, le curé s’approche de la machine, et, voyant qu’il n’y a point de danger, il met lui-même la main à l’œuvre. Il prend l’excitateur, et tire de la barre plusieurs étincelles.

On n’entendit pas d’autre coup de tonnerre, mais la nuée orageuse resta pendant plus d’un quart d’heure au-dessus de la verge métallique, qui, pendant tout ce temps, fournit des étincelles d’une nature évidemment électrique. Elles partaient à un pouce et demi environ de la barre de fer, sous la forme d’une petite aigrette bleue, avec une odeur manifestement sulfureuse, et faisaient entendre un bruit semblable à celui qu’aurait produit une clef frappant sur la barre.

Le curé de Marly répéta l’expérience au moins six fois dans l’intervalle d’environ quatre minutes, et, dit-il, « chaque expérience dura l’espace d’un Pater et d’un Ave ». Mais bientôt l’intensité du feu électrique se ralentit. En approchant plus près, on ne tira plus que quelques étincelles ; enfin tout disparut.

Le bon prieur était si absorbé au moment de l’expérience, et si étonné du spectacle qui s’offrait à lui, qu’il avait été frappé, sans qu’il y fît grande attention, ou sans qu’il s’en plaignît alors, d’un coup violent au bras, par une étincelle partie de la barre électrisée. De retour chez lui, comme la douleur continuait, il découvrit son bras en présence de Coiffier, et l’on aperçut au-dessus du coude, une meurtrissure tournant autour du membre, comme celle qu’aurait pu occasionner un coup de fouet.

Les personnes qui entouraient le curé reconnurent qu’il répandait une odeur de soufre qui persistait encore quand il fut de retour chez lui. Un ecclésiastique sen-