Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/526

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bientôt accordée par l’Europe entière au livre du physicien d’Amérique, la Société royale de Londres se décida à recevoir la communication d’un extrait de cet ouvrage, dont on donna lecture devant elle le 6 juin 1751.

Mais c’est une particularité digne d’être notée, que, dans cet extrait lu à la Société royale, on passa sous silence la partie du mémoire de Franklin qui concernait le paratonnerre. C’était là sans doute le passage qui avait excité les rires de la docte assemblée et l’on jugea convenable de le supprimer à cette seconde lecture, afin d’éviter le ridicule[1].

Un accueil bien différent attendait, en France, l’œuvre du physicien de Philadelphie. Elle eut la fortune de rencontrer le plus haut et le plus efficace des patronages, celui du Pline moderne !

Fig. 266. — Buffon.

Buffon et Franklin, quels beaux noms réunis ! Le manuscrit d’une traduction des Lettres de Franklin, due à un simple amateur qui l’avait composée pour son usage, vint à tomber entre les mains de Buffon. Le grand naturaliste comprit immédiatement toute la valeur de ce livre, qui renfermait à la fois une théorie générale des phénomènes électriques, l’analyse des effets de la bouteille de Leyde, et une hypothèse sur la nature de la foudre avec la description de l’expérience à exécuter pour vérifier la justesse de cette dernière conjecture.

Buffon comptait parmi ses admirateurs et ses amis, un physicien d’un certain mérite, nommé Dalibard. Il le chargea de composer une traduction fidèle de l’ouvrage de Franklin, qu’il prit soin lui-même de revoir et de corriger. Cette traduction parut en 1752, en un volume in-12, sous ce titre : Expériences et observations sur l’électricité, faites à Philadelphie en Amérique par M. Benjamin Franklin, et communiquées dans plusieurs lettres à M. P. Collinson de la Société royale de Londres ; traduites de l’anglais. L’ouvrage est précédé d’un avertissement et d’un court historique de l’électricité, écrit en partie par Dalibard, et emprunté, pour le reste, à une petite dissertation faite en 1748, pour l’Académie de Bordeaux, par M. de Secondat, fils de Montesquieu. La publication de ce livre

  1. C’est d’après le témoignage exprès d’un écrivain anglais que nous consignons ces faits qui font peu d’honneur à la sagacité des membres de la Société royale. Dans un ouvrage estimé, A Manual of Electricity, Magnetism and Meteorology, publié en 1844, le docteur Lardner écrit ce qui suit :

    « When this and other papers by Franklin, illustrating similar views, were sent to London, and read before the Royal Society, they are said to have been considered so wild and absurd that they were received with laughter, and were not considered worthy of so much notice as to be admitted to a place in the Philosophical Transactions.

    « They were, however, shown to Dr. Fothergill, who considered them of too much value to be thus stifled ; and he wrote a preface to them, and published them in London.

    « They subsequently went through five editions.

    « After the publication of these remarkable letters, and when public opinion in all parts of Europe had been expressed upon them, an abridgment or abstract of them was read to the Society on the 6th of June 1751.

    « It is a remarkable circumstance that, in this notice, no mention whatever occurs of Franklin’s project of drawing lightning from the clouds.

    « Possibly this was the part which had before excited laughter, and was omitted to avoid ridicule. »