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une lumière plus marquée en frictionnant doucement avec la main bien sèche, ou avec une étoffe de laine, un gros morceau d’ambre auquel il avait donné la forme d’un cône. En présentant le doigt à une petite distance de l’ambre ainsi frotté, Wall entendit un petit craquement suivi d’une forte étincelle. Il compara alors cette lumière à l’éclair, et le craquement au tonnerre.

« En frottant rapidement, dit Wall, le morceau d’ambre avec du drap, et en le serrant assez fortement avec ma main, on entendit un nombre prodigieux de petits craquements, et chacun d’eux produisit un petit éclat de lumière ; mais lorsqu’on frotta l’ambre doucement et légèrement avec le drap, il produisit seulement de la lumière et point de craquement. Si quelqu’un présentait le doigt à une petite distance de l’ambre, on entendait un grand craquement, suivi d’un grand éclat de lumière. Ce qui me surprend beaucoup en cette éruption, c’est qu’elle frappe le doigt très-sensiblement et y cause une impression de vent, à quelque endroit qu’on le présente. Le craquement est aussi fort que celui d’un charbon sur le feu, et une seule friction produit cinq ou six craquements, ou plus, suivant la promptitude avec laquelle on place le doigt, dont chacun est toujours suivi de lumière. Maintenant je ne doute pas qu’en se servant d’un morceau d’ambre plus long et plus gros, les craquements et la lumière ne fussent l’un et l’autre beaucoup plus grands. Cette lumière et ce craquement paraissent en quelque façon représenter le tonnerre et l’éclair[1]. »

Il est bien curieux et bien décisif de voir cette analogie entre l’électricité et le tonnerre, reconnue dès l’observation des premiers phénomènes électriques.

En 1735, le physicien Grey, dont les travaux appartiennent à l’enfance de la science électrique, exprimait la même analogie dans les termes les plus formels :

« Quoique ces effets jusqu’à présent n’aient été produits que très en petit, nous dit Grey, il est probable qu’on pourra, avec le temps, trouver une façon de rassembler une plus grande quantité de feu électrique, et par conséquent d’augmenter la force de ce feu qui, d’après plusieurs expériences (silicet magnis componere parva), semble être de la même nature que celle du tonnerre et de l’éclair[2]. »

Jean Freke, membre de la Société royale de Londres, et Benjamin Martin, lecteur de physique, ont également dans leurs mémoires, signalé clairement la même analogie[3].

En France, l’abbé Nollet mit en avant cette pensée sous la forme d’une probabilité séduisante. Le passage, bien souvent cité, dans lequel ce physicien parle de l’analogie de l’électricité et de la foudre, se trouve au quatrième volume de ses Leçons de physique expérimentale, qui parut en 1748.

« Si quelqu’un, par exemple, dit l’abbé Nollet, entreprenait de prouver par une comparaison bien suivie de phénomènes, que le tonnerre est entre les mains de la nature, ce que l’électricité est entre les nôtres, que ces merveilles dont nous disposons maintenant à notre gré, sont de petites imitations de ces grands effets qui nous effraient, et que tout dépend du même mécanisme ; si l’on faisait voir qu’une nuée préparée par l’action des vents, par la chaleur, par le mélange des exhalaisons, etc., est, vis-à-vis d’un objet terrestre, ce qu’est le corps électrisé en présence et à une certaine proximité de celui qui ne l’est pas, j’avoue que cette idée, si elle était bien soutenue, me plairait beaucoup. Et pour la soutenir, combien de raisons spécieuses ne se présentent pas à un homme qui est au fait de l’électricité ? L’universalité de la matière électrique, la promptitude de son action, son inflammabilité et son activité à enflammer d’autres matières ; la propriété qu’elle a de frapper les corps extérieurement et intérieurement jusque dans leurs moindres parties ; l’exemple singulier que nous avons de cet effet dans l’expérience de Leyde, l’idée qu’on peut légitimement s’en faire, en supposant un plus grand degré de vertu électrique, etc. ; tous ces points d’analogie que je médite depuis quelque temps, commencent à me faire croire qu’on pourrait, en prenant l’électricité pour modèle, se former, touchant le tonnerre et les éclairs, des idées plus saines et plus vraisemblables que tout ce qu’on a imaginé jusqu’à présent[4]. »

Le même soupçon de l’analogie des effets du tonnerre avec ceux de l’électricité a été

  1. Priestley, Histoire de l’électricité, t. I, pp. 18, 19.
  2. Lettre adressée par Grey, en 1735, à Cromwell Mortimer, secrétaire de la Société royale de Londres, et publiée, peu de temps après, dans les Transactions philosophiques.
  3. Essai sur la nature de l’électricité, traduit de l’anglais de M. Jean Freke, dans le Recueil de traités sur l’électricité, traduit de l’allemand et de l’anglais, 3e partie, page 24. — Essai sur l’électricité, traduit de l’anglais de M. Benj. Martin, lecteur de physique. Ibidem, 3e partie, p. 71-76.
  4. Leçons de physique expérimentale, t. IV, p. 314.