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cylindre, soit un plateau, fut un accident assez étrange qui se présentait quelquefois avec les machines à globe : il arrivait que le globe de verre éclatait subitement entre les mains de l’expérimentateur.

Les détails de quelques-unes de ces singulières explosions nous ont été conservés. Le premier accident de ce genre arriva à Lyon, le 8 février 1750, au père Béraud. Cet expérimentateur, opérant en présence de plusieurs personnes, voulait électriser un petit vase de verre vide d’air et contenant du mercure, afin de rendre ce métal lumineux par l’électricité. Pour obtenir un spectacle plus brillant, le père Béraud fit éteindre les lumières. À peine commençait-on à frotter le globe, qu’on entendit comme une sorte de déchirement ; le globe éclata avec bruit et se dissipa en petits fragments qui furent lancés dans les endroits les plus éloignés. Deux personnes furent blessées au visage par les éclats de verre.

Le père Béraud, qui lut quelques jours après à l’Académie de Lyon un mémoire sur cet accident, crut devoir l’attribuer à une fêlure que présentait le globe de verre. Il pensait que « le frottement imprime dans les plus petites fibres du verre un mouvement de frémissement et d’oscillation, qui doit nécessairement agiter la matière contenue dans ses pores ». Le père Béraud partait de là pour donner de ce phénomène une explication dans le goût de la physique de son temps.

Malheureusement pour l’explication du père Béraud, les globes non fêlés étaient également sujets à cette rupture spontanée. Dans la première partie de ses Lettres sur l’électricité, l’abbé Nollet nous apprend qu’un globe de verre avait détoné entre les mains du professeur Boze, à Wittemberg ; un autre entre celles de M. Le Cat, à Rouen ; un troisième, à Rennes, sur la machine du président de Robin ; un quatrième, à Naples, appartenant à M. Sabatelli. Nollet ajoute qu’un globe d’Angleterre avait eu le même sort entre ses propres mains, à Paris.

Admettant que la rupture des globes pouvait être occasionnée par la dilatation que l’air contenu dans leur intérieur éprouve par suite de la chaleur développée par le frottement, on avait cru s’en garantir en perçant un trou dans le globe ; mais l’expérience démontra l’inutilité de cette précaution. Sigaud de Lafond rapporte dans son ouvrage, qu’en 1761, il éprouva un accident de ce genre :

« Je faisais tourner, dit-il, un globe bien conditionné, bien monté, percé vers un de ses pôles, et qui me servait depuis plusieurs années. À peine eut-il fait cinq ou six tours, qu’il éclata avec la plus grande violence et que les débris s’en répandirent à une très-grande distance dans ma salle[1]. »

Ce genre d’accidents fut pour beaucoup dans la préférence que l’on accorda en France, à partir de l’année 1768, aux machines électriques dans lesquelles un plateau remplaçait le globe de verre ; car, si les glaces peuvent se fendre pendant qu’elles se chargent d’électricité, elles ne détonent point et l’on n’a pas à en redouter les éclats.

La première machine qui fut construite en Angleterre, par Ramsden, était faite d’un plan de glace, d’un pied seulement de diamètre, qui tournait entre quatre coussinets, à l’aide d’une manivelle appliquée à son axe. On augmenta beaucoup les effets de ces machines en employant des glaces d’un plus grand diamètre.

Sigaud de Lafond, dans l’ouvrage cité plus haut, donne la description d’une machine de Ramsden qui avait été construite en Angleterre pour le duc de Chaulnes, et dont la glace avait cinq pieds de diamètre. Cette machine fournissait des étincelles qui, au rapport du duc de Chaulnes, se portaient jusqu’à vingt-deux pouces de distance.

Sigaud de Lafond donne, dans le même ouvrage, la figure d’une autre machine électrique à plateau de glace, qu’il fit construire pour lui-même, à l’imitation de celle du duc de Chaulnes.

  1. Précis historique et expérimental des phénomènes électriques, p. 46.