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sellement goûtée. On trouvait qu’en raison de sa fixité, le coussin ne se prêtait pas avec assez de souplesse aux inégalités de mouvement que présentait la rotation du globe de verre.

En France particulièrement, on crut devoir rejeter l’usage des coussins ; et la main, bien sèche, fut proclamée beaucoup plus efficace pour dégager l’électricité.

L’abbé Nollet se montra le plus ardent à repousser la disposition nouvelle, venue d’Allemagne. Il était doué d’une main large, nerveuse et sèche, que la nature semblait avoir faite tout exprès pour exercer des frictions électriques. Mais le même motif n’existait pas chez tous les expérimentateurs, qui eurent le tort de s’associer au préjugé du physicien du collège de Navarre[1].

Dans son Essai sur l’électricité des corps, ouvrage qui fut publié pour la première fois, en 1747, l’abbé Nollet donne les détails suivants sur la manière de construire une semblable machine. Ce passage du livre de Nollet donnera une idée exacte de l’état de la machine électrique, en France, à l’époque où nous sommes parvenus :

« Il y a environ quatorze ans que M. Boze, professeur de physique à Wittemberg, essaya de substituer au tube un globe de verre que l’on fait tourner sur son axe et que l’on frotte en y tenant seulement les mains appliquées. En généralisant ainsi cette façon d’électriser le verre, qu’on avait bornée jusqu’alors à quelques usages particuliers, cet habile physicien a trouvé, et pour lui et pour ceux qui l’ont imité depuis, un moyen sûr, non-seulement d’opérer avec facilité, mais encore de pousser les effets beaucoup au delà de ce qu’on avait pu faire avec le tube…

« Quant aux dimensions des globes, ils sont d’une bonne grandeur quand ils ont environ un pied de diamètre ; il vaudrait mieux qu’ils eussent quelques pouces au-dessus que quelques pouces au-dessous de cette mesure ; mais je ne crois pas qu’il fût fort avantageux de les avoir beaucoup plus gros.

« Une chose qui est bien plus essentielle, c’est une certaine épaisseur, comme d’une ligne et demie au moins et autant uniforme qu’il est possible. Outre que cette condition met le vaisseau en état de résister davantage à la pression de celui qui le frotte, il n’est pas douteux (et je m’en suis assuré par des observations bien constantes) que l’électricité d’un verre épais est sensiblement plus forte et plus durable que celle d’un verre plus mince.

« La figure sphérique n’est point absolument nécessaire, elle n’est pas même préférable à une autre forme, sinon peut-être parce qu’on la fait aisément prendre au verre en le soufflant ; il est également bon que ce soit un sphéroïde allongé ou aplati, pourvu que la partie la plus élevée que l’on frotte soit assez régulièrement arrondie pour faciliter le frottement ; il est même d’usage dans presque toute l’Allemagne et dans l’Italie, où l’on fait présentement ces sortes d’expériences avec succès, d’employer des vaisseaux cylindriques.

« Le globe que l’on veut électriser doit tourner entre deux pointes de fer ou d’acier, comme les ouvrages qui se font au tour ; pour cet effet, il faut qu’à l’un de ses deux pôles il ait une poulie de bois dont la gorge puisse recevoir la corde d’une roue à peu près semblable à celle des cordiers ou à celle des couteliers, et qu’à l’autre pôle il soit garni d’un morceau de bois propre à recevoir la pointe du tour…

« Ce globe, ainsi préparé, doit tourner rapidement sur son axe entre deux pointes ; il importe peu comment cela se fasse, pourvu que le mouvement de rotation soit assez fort pour vaincre le frottement des mains qui appuient sur la surface extérieure du verre et que les pointes tiennent à des piliers ou poupées assez solides pour ne pas laisser échapper le vaisseau tandis qu’on le fait tourner avec violence : ainsi, quiconque aura un tour et une roue de trois à quatre pieds de diamètre, comme on en a assez communément dans les laboratoires, n’a pas besoin de chercher autre chose.

« Au défaut de cet équipage, on pourra se servir d’une roue de coutelier, de celle d’un cordier ou même d’une vieille roue de carrosse, à laquelle on formera une gorge de bois rapporté, et l’on établira deux poupées à pointes sur un tréteau que l’on aura fixé à une muraille.

« Mais une chose qu’il ne faut point oublier, c’est que l’une des deux pointes soit une vis qui fera son écrou dans le bois même de la poupée, afin qu’on puisse serrer le globe sans frapper.

« Si l’on fait les frais d’une machine de rotation exprès pour ces sortes d’expériences, on peut lui donner telle forme et telle décoration qu’on jugera

  1. « Si quelque raison, dit l’abbé Nollet, a pu faire imaginer le coussinet, c’est la crainte que l’on a eue d’être blessé par des éclats de verre, si le globe venait à se casser lorsqu’il tourne. J’avoue que cette crainte est fondée, et l’on doit prendre des précautions pour éviter de pareils accidents ; mais celle du coussinet m’a toujours rendu l’électricité si lente, et ses effets si faibles, que l’impatience m’en a pris, et que je l’ai abandonnée pour toujours. » (Essai sur l’électricité des corps, p. 28.)