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fiter, tantôt le petit métayer, ayant à mouvoir une batteuse, un moulin, un crible, un pressoir ; tantôt le tuilier, le fabricant de plâtre, ou le meunier dont le cours d’eau serait à sec.

La location des locomobiles pourrait avantageusement compléter l’industrie du charron et du serrurier du village, qui n’auraient pas de peine à l’entretenir en bon état. Les anciens mécaniciens ou chauffeurs des chemins de fer et des bateaux à vapeur, pourraient de même trouver, soit dans la location, soit dans la conduite des locomobiles rurales, le moyen d’existence le plus en harmonie avec leur ancien métier. Ce serait leur retraite toute trouvée. Enfin, les petits propriétaires pourraient fort bien se mettre plusieurs pour tirer parti de la journée d’une locomobile.

Ces considérations suffisent pour faire comprendre que les locomobiles pourraient être facilement mises à la portée de tous les cultivateurs, si l’on y mettait un peu de bonne volonté. Mais, dans nos campagnes, le nom seul de machine effraye toujours ; c’est, pour les vieux routiniers, le synonyme d’innovation ruineuse. Ils oublient que les herses, les charrues, et tant d’autres instruments qui leur sont familiers, ne sont autre chose que des machines, contre lesquelles on éleva autrefois des objections tout aussi vives. Le progrès entraîne le progrès : la consommation s’accroît sans cesse, et la production doit se mettre au même niveau. Les méthodes de culture qui suffisaient à nos pères, ne sont plus aujourd’hui à la hauteur des besoins de la population. Il faut donc qu’on en vienne à l’usage des machines, qui économisent le temps et la main-d’œuvre, et par suite, abaissent le prix de revient des produits agricoles.

On élève certaines craintes, dans les campagnes, relativement à l’incendie, en considérant que les locomobiles doivent fonctionner près de bâtiments couverts de chaume, ou en présence de matières susceptibles de s’embraser aisément, telles que des gerbes de céréales, des foins, du bois sec, etc. Mais il suffit de faire remarquer, pour dissiper ces appréhensions, que les chaudières des locomobiles sont disposées de manière à éviter tout accident. Les cendres et les résidus de la combustion qui tombent du foyer, sont reçus dans une boîte pleine d’eau, fermée de toutes parts ; et, d’autre part, la cheminée est assez élevée pour qu’aucune étincelle ne puisse se faire jour à l’extérieur. Aucun incendie n’a été signalé jusqu’ici, comme conséquence de l’emploi des locomobiles, ni en France ni en Angleterre.

Le regrettable argument qui, au commencement de notre siècle, retarda l’adoption des machines dans les ateliers de l’industrie manufacturière, est également invoqué aujourd’hui, contre l’introduction des mêmes appareils dans l’industrie agricole. Les locomobiles, dit-on, exécutent le travail de l’homme ; elles auront donc pour résultat de nuire à l’ouvrier des champs, en diminuant le nombre des travailleurs employés dans chaque contrée. L’expérience a tranché depuis longtemps cette question en faveur de l’outillage mécanique, qui, loin d’avoir diminué le nombre des ouvriers employés dans les manufactures, a, au contraire, augmenté ce nombre dans une proportion considérable. Or, le travail industriel ne différant point, dans ses conditions et dans les lois générales qui le régissent, du travail agricole, le même résultat doit nécessairement se produire ici. En créant aux produits du sol des débouchés nouveaux, l’économie qui résultera de l’emploi des machines, permettra d’occuper un nombre d’ouvriers tout aussi considérable que par le passé.

N’oublions pas, au reste, que par diverses causes que nous n’avons pas à examiner ici, les bras manquent trop souvent dans nos campagnes. Il n’est donc pas indifférent,