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gueur totale de 235 mètres. Comme le tablier n’est qu’à 1m,50 au-dessus des plus hautes eaux du Rhin, on a rendu mobiles, comme il est facile de le reconnaître sur notre dessin, les deux travées contiguës aux rives allemande et française, d’abord dans l’intérêt de la navigation, mais aussi, il faut le dire, dans un but stratégique. L’Allemagne a voulu pouvoir, à volonté, se séparer de la France, sa voisine.

Ainsi, l’on va prévoir, en pleine paix, le cas sinistre de la guerre entre les deux peuples ! Les ingénieurs n’y auraient peut-être pas songé ; mais les hommes d’État n’ont eu garde de l’oublier.

Le pont de Kehl a deux voies, séparées par une troisième, d’environ 2 mètres, et bordées de passerelles pour les piétons. Il repose sur quatre piles, larges de 15 à 21 mètres, et épaisses de 3 mètres à 4m,5.

Les fondations présentaient des difficultés exceptionnelles. La vitesse du courant, la composition du lit du fleuve, lequel consiste en gravier d’une profondeur de 60 mètres, les affouillements continuels produits dans ce lit par les crues rapides, et une foule d’autres obstacles s’opposaient à l’emploi des procédés ordinaires.

On a donc eu recours, pour bâtir dans le lit du fleuve, les piles du pont, au procédé des fondations tubulaires, c’est-à-dire à l’emploi de grands caissons remplis d’air comprimé, qui refoule les eaux, et permet aux ouvriers de travailler à l’intérieur de ces caissons, ouverts par leur base inférieure, laquelle repose sur le fond du fleuve. Comme nous décrirons ce procédé dans une notice spéciale, nous nous bornons à le mentionner ici en un mot.

Le pont de Kehl a coûté 8 millions. Quand on le mit à l’essai, avant de le livrer à la circulation, quatorze locomotives et quatre-vingts wagons, formant ensemble un poids de 960 tonnes (8 tonnes par mètre courant), ne purent faire fléchir le tablier que de 12 millimètres, pendant une journée entière.

Le pont du Rhin à Cologne, construit de 1855 à 1859, qui offre une longueur de 400 mètres, et a coûté 10 millions ; — celui de Coblentz, de date plus récente ; — celui de la Gironde, à Bordeaux, dont la longueur totale, y compris les viaducs aux abords, est de 630 mètres ; — ceux de la Vistule, à Dirschan et à Varsovie ; — et quelques autres ponts célèbres, appartiennent, comme il a été dit plus haut, à la catégorie des ponts à treillis.

Les ponts de Bordeaux et de Varsovie, ont nécessité, comme celui de Mâcon et celui de Kehl, des fondations tubulaires.

Ce procédé a été suivi également pour la fondation de la pile unique du grand pont de Saltash, construit sur un bras de mer, à Plymouth, et pour la fondation des ponts de Rochester, d’Argenteuil, etc.

Le pont de Saltash est un bowstring, c’est-à-dire un pont dont le tablier est soutenu par des tirants verticaux attachés à un axe supérieur tubulaire, de section elliptique.

Les ponts sur l’Aar et sur la Sitter, longs chacun de 160 mètres, et celui de Fribourg, long de près de 400 mètres et haut de 86 mètres, reposent sur des colonnes en fonte portées sur des piles en pierre.

Pour terminer, nous devons mentionner les ponts suspendus qui ne sont toutefois employés qu’en Amérique, pour les chemins de fer. De ce nombre, sont les ponts sur la Harpes, au chemin de fer de Baltimore à l’Ohio ; enfin le fameux et magnifique pont du Niagara, qui fut commencé en 1852 et livré au public en 1856.

Le pont du Niagara, donne passage, en même temps, à un chemin de fer et à une route ordinaire. Il a une longueur de 246 mètres et passe à 74 mètres au-dessus du Niagara et de ses cataractes.

M. Rœbling, constructeur de ce pont, en a édifié depuis un autre sur le Kentucky, dont la portée est de 367 mètres.

Il est fort singulier que les ponts suspendus (auxquels nous consacrerons un chapitre, dans une notice spéciale) souffrent beaucoup plus