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lieues à l’heure ; elle marcha même quelquefois avec une rapidité de treize lieues à l’heure.

À la suite des expériences qui furent exécutées le 14 octobre, on s’aperçut que la chaudière de la Nouveauté présentait des fuites et livrait passage à l’eau. Les essais se trouvèrent ainsi interrompus. MM. Braithwaite et Ericsson déclarèrent alors se retirer du concours[1].

La Persévérance avait éprouvé quelques accidents pendant son transport à Liverpool ; elle ne satisfaisait pas d’ailleurs aux termes imposés par le programme. M. Burstall la retira.

Quant à la Cyclopède, elle était, comme nous l’avons dit, mue par des chevaux, et sortait, par conséquent, des conditions assignées.

En définitive, le prix fut décerné à la Fusée de George et Robert Stephenson, qui avait satisfait à toutes les conditions exigées par la compagnie. Elle avait dû la supériorité de sa vitesse à l’emploi des chaudières tubulaires de M. Séguin, et avait, de cette manière, servi à mettre dans tout son jour l’importante découverte de l’ingénieur français.

Tel fut le résultat de ce tournoi mémorable, qui vivra d’un long souvenir dans l’histoire de l’industrie et du progrès social.

La locomotive de Stephenson, qui permettait de réaliser sur les routes de fer, une vitesse de douze lieues à l’heure, changea complétement la face de l’entreprise du chemin de Liverpool à Manchester. Au lieu de se borner au transport des marchandises, la compagnie ouvrit aussitôt aux voyageurs cette nouvelle voie de communication.

Le service public, commencé en 1830, donna immédiatement des résultats inespérés. À peine la circulation fut-elle établie sur la voie ferrée, que, des trente voitures publiques qui desservaient chaque jour les deux villes, une seule put continuer son service.

La faculté, désormais offerte, de dévorer les distances, amena une révolution complète dans les conditions et les habitudes des voyages. On eut alors la démonstration la plus décisive de ce fait, que la facilité des moyens de transport augmente la circulation dans une proportion extraordinaire. Le nombre des voyageurs entre Liverpool et Manchester, qui, avant l’ouverture du chemin de fer, ne dépassait pas 500 par jour, s’éleva immédiatement à 1 500.

Le transport des marchandises ne subit pas la même progression, parce que les propriétaires des canaux, aiguillonnés par la concurrence, s’empressèrent d’abaisser leurs prix jusqu’au niveau des tarifs du chemin de fer, et accrurent, en même temps, la vitesse des transports. Le canal avait, en outre, l’avantage de communiquer des docks de Liverpool, avec Manchester, en baignant les murs mêmes des magasins des fabricants, ce qui économisait les frais de transbordement.

Cependant, malgré l’inégalité de ces conditions, le chemin de fer ne tarda pas à transporter un millier de tonnes de marchandises par jour. Aussi, deux ans après son ouverture, apportait-il un dividende de 10 pour 100, et les actions jouissaient-elles d’une prime de 120 pour 100. L’ère financière des chemins de fer était inaugurée en Europe, avec un éclat, qui, malheureusement, ne devait pas être durable.

Le double et remarquable succès qu’obtint le chemin de Liverpool, sous les rapports technique et financier, provoqua rapidement, en Angleterre, l’établissement de nouveaux railways. L’immense réseau qui relie à la métropole les divers centres de population, commença à s’organiser en 1832, et pendant la période de 1832 à 1836, la construction des voies nouvelles reçut une impulsion et un dé-

  1. On trouve une description détaillée de cette locomotive, ainsi que des autres machines qui furent présentées au concours de Liverpool, dans le Mémoire sur les chemins à ornières, de MM. Léon Coste et Perdonnet, que nous avons déjà cité, et dans le Traité des chemins de fer de Nicolas Wood.