Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/282

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ces locomotives furent employées de 1814 à 1825 environ, sur le chemin de fer des usines Killingworth. Elles servirent ensuite à traîner les convois de charbon sur le chemin de fer de Darlington à Stockton.

Ce chemin de fer avait 61 kilomètres de longueur, et était pourvu d’une double voie, sur les deux tiers de son parcours. Il avait nécessité une dépense de 430 000 francs par kilomètre. Autorisé en 1821, il fut ouvert en 1825. À l’origine, on employait les chevaux pour remorquer les wagons. Mais la locomotive récemment perfectionnée par Stephenson et Dodd, ne tarda pas à être substituée aux chevaux. En même temps, on fit servir au transport des voyageurs cette voie ferrée, qui n’avait été construite, dans l’origine, que pour le transport du charbon.

Cependant, par suite de la faiblesse de la machine, les convois ne marchaient qu’avec beaucoup de lenteur. Ils employaient ordinairement quatre heures à parcourir la distance de sept lieues qui sépare la plaine de Brusselton de la ville de Stockton. Au retour, les chariots vides mettaient cinq heures à faire le même trajet, en raison d’une faible pente qu’il fallait remonter.

Les chemins de fer commençaient donc à rendre quelques services à l’industrie : ils servaient à transporter la houille et certaines marchandises avec plus d’économie que le roulage. Mais ce système était encore dans l’enfance. Il ne pouvait fonctionner qu’avec une lenteur extrême, et rien n’annonçait les prodiges qu’il devait réaliser dans un délai peu éloigné.

Par quel coup de baguette magique cette invention, languissante depuis son origine, subit-elle la transformation inespérée dont nous admirons aujourd’hui les résultats ? Comment les locomotives, qui n’avaient pu servir encore qu’au transport des marchandises, se trouvaient-elles, une année après, susceptibles de s’appliquer au transport des voyageurs, en réalisant une vitesse qui, jusqu’à ce moment, aurait paru fabuleuse ?

Cette révolution fut opérée tout entière par une simple modification apportée à la forme des chaudières des locomotives. La découverte des chaudières tubulaires vint changer brusquement la face des chemins de fer, car son application permit d’obtenir immédiatement, sur ces voies artificielles, une vitesse de douze lieues à l’heure.

Ce ne sera pas pour notre pays un faible titre de gloire : cette découverte mémorable appartient à un ingénieur français, à Marc Séguin.

Le chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon dont nous avons raconté plus haut, l’établissement et esquissé la physionomie, devait être desservi tout à la fois par des chevaux, par des machines à vapeur fixes remorquant les convois sur les pentes trop roides, enfin par des locomotives. L’art de construire les locomotives ne s’était pas encore introduit en France ; la compagnie du chemin de fer de Saint-Étienne avait donc fait acheter, en 1829, deux locomotives à Manchester, dans les ateliers de Stephenson. L’une d’elles fut envoyée, comme objet d’étude, à M. Hallette, constructeur de machines à Arras ; l’autre fut amenée à Lyon, pour servir de modèle à celles que devait y faire construire M. Séguin aîné (Marc Séguin), directeur du chemin de fer de Saint-Étienne, pour les appliquer au service de cette voie ferrée.

À la suite des différents essais auxquels ces machines furent soumises, on reconnut que leur vitesse moyenne ne dépassait pas six kilomètres à l’heure. C’est alors que M. Séguin, frappé de l’insuffisance de cette vitesse, fut amené à en rechercher la cause. Le vice de la locomotive de Stephenson résidait, comme il le reconnut, dans la forme de la chaudière.

La force d’une machine à vapeur dépend de la quantité de vapeur qu’elle produit dans un temps donné. Or, comme nous l’avons vu, la quantité de vapeur fournie par une chaudière, est proportionnelle à l’étendue de la surface