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1804, sur le chemin de fer des mines de Merthyr-Tydvil, ne différait que fort peu d’ailleurs, de la diligence à vapeur qu’ils avaient construite précédemment pour les routes ordinaires. Elle se composait d’un seul cylindre disposé horizontalement. Le piston transmettait son mouvement aux roues, à l’aide d’une bielle et de deux engrenages.

Trevithick et Vivian recommandaient, dans leur brevet, de garnir de quelques aspérités ou rainures transversales, la jante des roues de la locomotive, afin de provoquer plus de frottement, et de remédier ainsi au glissement de la roue sur la surface polie du rail. Ils proposaient même, quand la résistance serait considérable, de placer, sur la circonférence des roues, une sorte de cheville, ou de griffe, ayant prise sur le sol.

En effet, tous les savants admettaient à cette époque, que la principale difficulté qui devait s’opposer à l’emploi des locomotives sur les chemins de fer, consistait dans le défaut d’adhésion des roues sur le rail : on pensait que la surface unie de ces bandes métalliques n’offrait pas assez de frottement pour que la roue pût y trouver une prise suffisante, et l’on concluait que l’action de la vapeur aurait seulement pour effet de faire tourner les roues sur place sans entraîner leur progression : « Entre deux surfaces planes, disent Trevithick et Vivian, dans un mémoire sur ce sujet, l’adhésion est trop faible ; les voitures sont exposées à glisser, et la force d’impulsion est perdue. » C’est pour cela qu’ils recommandaient de rendre, autant que possible, inégale et raboteuse la jante des roues de leur locomotive.

Cette idée inexacte avait été émise par suite d’une simple vue de l’esprit, et sans aucune expérience préalable. Adoptée sans autre examen par tous les ingénieurs, elle constitua dès ce moment, l’obstacle devant lequel la science des chemins de fer resta stationnaire.

Cette aberration des savants fournit un exemple singulier des conséquences fâcheuses auxquelles peut conduire une opinion théorique formée hors du domaine de l’expérience. Depuis la construction de la première locomotive de Trevithick, tous les efforts des praticiens s’appliquèrent à triompher d’une difficulté imaginaire, et l’on fut ainsi amené à toute une série d’inventions malheureuses et de créations bizarres dont nous abrégerons la triste nomenclature.

Fig. 125. — Locomotive à crémaillère de Blenkinsop.

C’est ainsi qu’en 1811, M. Blenkinsop, directeur du chemin de fer des houillères de Middleton, imagina un système de locomotive dans lequel les roues n’avaient plus d’autre fonction que de supporter l’appareil moteur. L’un des rails AB (fig. 125), était pourvu de dents, et sur cette crémaillère venait engrener une roue dentée, mise en mouvement, à l’aide d’une tige articulée D, par le piston de la machine à vapeur.

Ces dentelures devaient, on le comprend sans peine, augmenter singulièrement les effets du frottement et de la résistance. Cependant le système Blenkinsop servit plus de douze années aux transports de la houille.

En 1812, William et Edward Chapman tentèrent de substituer à la crémaillère de Blenkinsop, un système nouveau. Ils placèrent au milieu de la voie, et de distance en distance, divers points fixes, sur lesquels le convoi était remorqué par une machine à vapeur, à