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et le jeune mécanicien, éconduit, dut reprendre le chemin de sa province.

Là, il donna un libre cours à son ardeur créatrice. Il perfectionna la fabrication des orgues, et établit le système de soufflerie qui est aujourd’hui appliqué partout. Il apporta aussi d’utiles changements au clavecin. Quand la fièvre des ballons s’empara de la France, c’est lui qui donna à la ville d’Amiens le premier spectacle des ascensions aérostatiques.

Vers 1788, il construisit une machine à vapeur, et pour son premier essai, il employa la haute pression. Il ne se proposait rien moins que d’installer cette machine sur une voiture, et de l’appliquer à la locomotion sur les routes.

Cette pensée était trop hâtive ; Dallery le comprit bientôt, et il consacra sa machine à servir de moteur dans ses ateliers.

Un orgue manquait à la cathédrale d’Amiens ; ce travail lui fut confié. Les devis s’élevaient à 400 000 francs. Dallery se mit à l’œuvre. Mais la révolution éclate. Le temps des orgues était passé ; il fallut changer de carrière.

Sans se décourager, Dallery propose à la ville d’Amiens de construire des moulins à vent sur un système nouveau : les ailes tournaient horizontalement.

Cette innovation choqua beaucoup la cité picarde. Voyant ces roues tourner comme les chevaux de bois à la foire, elle appela ce moulin, le moulin de la Folie.

L’inventeur était fier et digne : cette critique lui déplut. Il se brouilla avec sa ville natale et la quitta, pour n’y plus revenir. Il alla installer sa machine à vapeur chez un industriel de ses amis, fabricant de limes, qui possédait deux usines, l’une à Nevers, l’autre à Amboise.

Appropriée à ce nouvel usage, la machine à vapeur mettait en mouvement un martinet du poids de 500 livres et frappait 500 coups par minute, forgeant l’acier et le façonnant en limes ouvragées de toutes manières. Dallery dirigeait les deux usines.

Mais ce n’était là qu’une bien insuffisante occupation. Quand le travail fut organisé et la tâche terminée, Dallery et le maître de forges se regardèrent, en disant :

— Qu’allons-nous faire maintenant ?

Il fut convenu que l’on se rendrait à Paris, pour y proposer au gouvernement le plan d’un moulin à farine, mû par la vapeur.

La machine à vapeur était une ressource puissante pour remplacer les bras de l’ouvrier, qui commençaient à manquer. Or, personne ne songeait encore, en France, à tirer sérieusement parti de la vapeur dans les usines. Les deux associés pouvaient donc compter sur un succès.

Leur calcul était juste, mais ils avaient compté sans la disette.

Le gouvernement avait, en effet, adopté leur plan sans difficulté, et l’on avait installé le moulin à farine dans les bâtiments de l’octroi de Bercy. On avait même promis une avance de 30 000 francs. Mais les 30 000 francs n’arrivèrent jamais. En revanche, la disette arriva. Notre mécanicien dut redescendre des hautes régions où l’avait élevé ce succès d’un jour.

Son courage, néanmoins, ne se démentit pas. Il venait d’appliquer son talent à des créations grandioses, il l’appliqua à des travaux microscopiques. Il se fit horloger, et fut le premier à construire en France, ces montres de la dimension d’une pièce de cinquante centimes, que l’on portait au doigt, sur une bague. Seulement, comme on n’avait jamais rien fait de semblable dans l’art de l’horlogerie, il n’existait point d’outil pour de tels ouvrages, et Dallery dut créer les instruments pour cette nouvelle fabrication : la boîte ovale et jusqu’au tour qui servait à obtenir cette forme.

Mais ces chefs-d’œuvre microscopiques se vendaient fort cher, et personne n’était riche en 1793. Toutes ces élégantes curiosités n’étaient pas plus de saison que les orgues d’église. Dallery dut chercher une autre manière d’arriver à la fortune.