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Fig. 103. — Le premier navire à vapeur en Afrique.

« La frénétique joie des Nègres ne peut pas plus se rendre que la douleur étouffée des Maures, qui s’enfoncèrent dans le désert comme des tigres blessés au front, l’écume aux lèvres. Les Nègres faisaient dans leur ivresse d’inexprimables contorsions, levaient les bras, se mordaient, se précipitaient à terre, où ils creusaient le sable avec leur tête, ce qui est chez eux le plus haut signe de bonheur ou de désespoir.

« Achmet fut fidèle à sa menace. Dès que le prodige fut réalisé, du tertre où il dominait les deux rives, il s’élança à cheval dans le fleuve, agitant son sabre, criant Allah ! courageusement décidé à lutter de miracle avec le miracle, qu’il avait nié. Après avoir maîtrisé le fil descendant de l’eau, là où le peu de profondeur le lui permettait, il fut irrésistiblement entraîné dans une ligne perpendiculaire à celle du navire à vapeur…

« Achmet continuait toujours à être emporté avec plus de vitesse. Déjà il est dans le bouillonnement du vaisseau ; il jette son sabre pour saisir à deux mains la bride de son cheval, mais son cheval étouffe dans cette écume que lui renvoient les roues dans les naseaux. Il plonge, reparaît, hennit, replonge. Achmet, pris dans les étriers, s’agite en vain ; il surnage, s’enfonce de nouveau, revient un instant, mais pour avoir la tête brisée par les rayons de la roue. Il y eut une nuance rouge dans le tourbillon ouvert derrière le vaisseau. Cette mort fut un nouveau triomphe pour les Nègres…

« Un mois après cet événement, nos relations commerciales étaient renouées avec toutes les escales