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Fig. 98. — Élévation et perspective de la machine à vapeur et de l’arbre des roues du Clermont, construit par Fulton en 1807 (page 199).


New-York à Albany, partirait le lendemain, pour cette dernière ville.

Cette annonce causa beaucoup de surprise à New-York. Bien que tout le monde eût été témoin de l’essai sans réplique exécuté peu de jours auparavant, on ne pouvait croire encore à la possibilité d’appliquer un bateau à vapeur à un service de transports. Aucun passager ne se présenta, et Fulton dut faire le voyage seul avec les quelques hommes employés à bord.

La traversée de New-York à Albany, ne laissa aucun doute sur les avantages de la navigation par la vapeur. New-York et Albany, situés tous les deux sur les bords de l’Hudson, sont distants d’environ 60 lieues. Le Clermont fit la traversée en trente-deux heures et revint en trente heures. Il marcha le jour et la nuit, ayant constamment le vent contraire, et ne pouvant se servir une seule fois des voiles dont il était muni. Parti de New-York le lundi, à une heure de l’après-midi, il était arrivé le lendemain à la même heure à Clermont, maison de campagne du chancelier Livingston, située sur les bords du fleuve. Reparti de Clermont le mercredi à 9 heures du matin, il touchait à Albany à 5 heures de l’après-midi. Le trajet avait donc été accompli en trente-deux heures, ce qui donne une vitesse de deux lieues par heure. Ainsi la condition imposée par l’acte du Congrès avait été remplie.

Pendant son voyage nocturne, le Clermont répandit la terreur sur les bords solitaires de l’Hudson. Les journaux américains publièrent beaucoup de récits de sa première traversée. Ces relations étaient sans doute empreintes de quelque exagération, mais elles se rapportent à des sentiments trop naturels pour pouvoir être contestées. On se servait, sur le bateau de Fulton, pour alimenter la chaudière, de branches de pin ramassées sur les rives du fleuve, et la combustion de ce bois résineux produisait une fumée abondante et à demi embrasée, qui s’élevait de plusieurs pieds au-dessus de la cheminée du bateau. Cette lumière inaccoutumée, brillant sur les eaux au milieu de la nuit, attirait de loin les regards des marins qui naviguaient sur le fleuve. On voyait avec surprise marcher contre le vent, les courants et la marée, cette longue colonne de feu étincelant dans les airs. Lorsque les marins étaient assez rapprochés pour entendre le bruit de la machine et le choc des roues qui frappaient l’eau à coups redoublés, ils étaient