Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/201

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Fulton se laissa prendre à l’appât de cette offre avantageuse, et se décida à quitter Paris. Il partit pour l’Angleterre en 1804.

Il se trompait néanmoins sur les vues du gouvernement britannique. On ne pouvait s’intéresser, en Angleterre, au succès d’un genre d’inventions destiné, s’il pouvait réussir, à annuler toute suprématie maritime. Le but du ministère anglais était donc simplement, de juger d’une manière positive, la valeur des inventions de Fulton, et de lui en acheter le secret, pour l’anéantir.

C’est ce qu’il finit par comprendre, aux délais, aux obstacles, à la mauvaise volonté qu’il rencontra partout en Angleterre. La commission nommée pour examiner son bateau plongeur, en déclara l’usage impraticable. Quant à ses appareils d’explosion sous-marine, on exigea qu’il en démontrât l’efficacité, en les dirigeant contre des embarcations ennemies.

De nombreuses expéditions s’exécutaient, à cette époque, contre la flottille française et les bateaux plats enfermés dans la rade de Boulogne. Le 1er octobre 1805, Fulton s’embarqua sur un navire et vint joindre l’escadre anglaise en station devant ce port. Peut-être n’était-il pas fâché d’essayer contre nous ces machines de guerre dont nous avions dédaigné l’usage. À la faveur de la nuit, il lança deux canots munis de torpilles contre deux canonnières françaises ; mais l’explosion des torpilles ne fit aucun mal à ces embarcations. Seulement, au bruit de la détonation, les matelots français se crurent abordés par un vaisseau ennemi. Voyant que l’affaire en restait là, ils rentrèrent dans le port, sans pouvoir se rendre compte des moyens que l’on avait employés pour opérer cette attaque, au milieu de l’obscurité de la nuit.

Fulton se plaignit hautement que l’échec qu’il venait d’éprouver avait été concerté par les Anglais eux-mêmes, et il demanda à en fournir la preuve. Le 15 octobre 1805, en présence du ministre Pitt et de ses collègues, il fit sauter, à l’aide de ses torpilles, un vieux brick danois du port de 200 tonneaux, amarré, à cet effet, dans la rade de Walmer, près de Deal, à une petite distance du château de Walmer, résidence de Pitt. La torpille contenait 170 livres de poudre. Un quart d’heure après que l’on eut fixé le harpon, la charge éclata et partagea en deux le brick, dont il ne resta au bout d’une minute que quelques fragments flottants à la surface des eaux.

Malgré ce succès, ou peut-être à cause de ce succès, le ministère anglais refusa de s’occuper davantage des inventions de Fulton. On lui offrit seulement d’en acheter le secret, à condition qu’il s’engagerait à ne jamais les mettre en pratique. Mais l’ingénieur américain repoussa bien loin cette proposition : « Quels que soient vos desseins, répondit-il aux agents du gouvernement chargés de lui faire cette ouverture, sachez que je ne consentirai jamais à anéantir une découverte qui peut devenir utile à ma patrie. »

Cependant, tout en s’occupant de ses inventions sous-marines, Fulton ne perdait pas de vue, pendant son séjour en Angleterre, le projet de son associé Livingston, relatif à l’établissement de la navigation par la vapeur aux États-Unis. Livingston, comme nous l’avons dit, avait commandé à l’usine de Boulton et Watt, à Soho, une machine à vapeur, sans spécifier l’objet auquel elle serait consacrée. Fulton s’occupa avec ardeur de la construction de l’appareil de navigation, qui devait servir à tenter à New-York, une entreprise qui avait déjà échoué dans un si grand nombre de pays.

Il s’inspira heureusement, pour le modèle de l’appareil moteur de son bateau, des essais qui venaient d’être faits en Écosse, par William Symington, pour établir sur les canaux la navigation par la vapeur, essais qui n’étaient que la suite et le développement des expériences que le même Symington avait exécutées douze années auparavant, de con-