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à l’accompagner, et ce fut sur la petite rivière de l’Eaugronne, qui traverse Plombières dans toute son étendue, qu’il fit l’essai, avec un petit modèle, de ses chapelets, ou rames mises en action par une chaîne sans fin.

Cependant, de retour à Paris, en octobre 1802, il trouva déposé au Conservatoire des arts et métiers, le modèle, que l’on y voit encore, d’un bateau à vapeur pourvu d’un mécanisme analogue à celui qu’il venait d’expérimenter à Plombières. Ce bateau avait été construit et essayé sur la Saône, par un horloger de Trévoux, nommé Desblancs. Or, l’appareil de Desblancs avait complétement échoué quand on l’avait mis en pratique sur de plus grandes proportions. Heureusement renseigné par le résultat de cette expérience, Fulton abandonna ce système, pour en revenir à l’emploi des roues à aubes, qu’il avait proposées à lord Stanhope dès l’année 1793.

Après quelques expériences qui furent exécutées pendant l’hiver de 1802 à 1803, sur la Seine, à l’île des Cygnes, Fulton se mit à construire le grand bateau qui devait servir à juger définitivement la question pratique de la navigation par la vapeur.

Les échecs répétés que l’on avait éprouvés en France et aux États-Unis, tenaient à deux causes : au défaut du système moteur destiné à faire office de rames, et à l’insuffisance de la force donnée à la machine à vapeur. Par des calculs plus justes et par une appréciation plus rigoureuse des résistances à surmonter, Fulton parvint à éviter ces deux écueils. C’est donc par le secours de la théorie judicieusement transportée dans la pratique qu’il trouva les moyens de faire réussir la grande entreprise qui avait échoué jusque-là entre les mains d’un si grand nombre d’ingénieurs distingués [1].

Fig. 96. — Fulton.

Le bateau de Livingston et Fulton fut terminé au commencement de l’année 1803. Tout se trouvait prêt pour l’essayer sur la Seine, au milieu de Paris, lorsqu’un matin Fulton, sortant de son lit, où une anxiété et une impatience bien naturelles à la veille d’une épreuve aussi solennelle, l’avaient em-

  1. Il existe, au Conservatoire des arts et métiers, une lettre assez curieuse de Fulton, qui contient l’annonce et la description de la machine qu’il se proposait d’appliquer aux bateaux de rivière. Cette lettre, est adressée par Fulton, avec le dessin de son bateau, aux directeurs du Conservatoire, Molard, Bandel et Montgolfier, pour établir la priorité de son invention. Comme ce document établit d’une manière authentique la date des premiers travaux de Fulton, nous croyons utile de le rapporter ici.

    Voici donc le texte de cette lettre de Fulton, débarrassée de quelques fautes d’orthographe qui émaillent l’original.


    Lettre de Robert Fulton aux citoyens Molard, Bandel et Montgolfier, amis des arts.

    Paris, le 4 pluviôse an XI (1803).

    « Je vous envoie ci-joints les dessins-esquisses d’une machine que je fais construire, avec laquelle je me propose de faire bientôt des expériences pour faire remonter des bateaux sur des rivières, à l’aide de pompes à feu. Mon premier but, en m’occupant de cet objet, était de le mettre en pratique sur les longs fleuves en Amérique, où il n’y a pas de chemins de halage, où ils ne sont guère praticables, et où, par conséquent, les frais de navigation à l’aide de la vapeur seront mis en comparaison avec celui du travail des hommes et non pas des chevaux, comme en France.

    « Vous voyez bien qu’une telle découverte, si elle réussit, sera infiniment plus importante en Amérique qu’en France, où il existe partout des chemins de halage et des compagnies établies qui se char-