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s’était pas seulement occupé à New-York de travaux diplomatiques. Versé dans la connaissance de l’industrie et des arts, il s’était consacré avec beaucoup de zèle, à l’étude de la question des bateaux à vapeur. En 1797, avec l’aide d’un Anglais nommé Nisbett et du Français Brunel (le célèbre ingénieur qui construisit plus tard à Londres le tunnel de la Tamise), il avait établi sur l’Hudson divers modèles de bateaux à vapeur, destinés à des expériences. On avait essayé, sous sa direction, les principaux mécanismes applicables à la progression des bateaux : des roues à aubes, des surfaces en hélice, des pattes d’oie, des chaînes sans fin, etc. Plein de confiance dans le succès, Livingston avait alors demandé au Congrès de l’État de New-York, un privilége exclusif de navigation par la vapeur sur les eaux de cet État. On s’était empressé de lui accorder cette faveur, à la condition, pour lui, de présenter dans le délai d’un an, un bateau marchant par l’effet de la vapeur, et faisant 4kil,8 à l’heure.

Cependant les expériences n’ayant pas fourni les résultats attendus, les conditions stipulées dans l’acte du Congrès n’avaient pu être remplies, et le projet en était resté là.

C’est inutilement que Livingston s’était associé, en 1800, avec un très-habile constructeur, John Stevens (de Hobocken). Tous les efforts de Stevens avaient échoué pour remplir les conditions imposées par le Congrès de New-York. Mais cet échec n’avait pas découragé Livingston, et lorsqu’il vint en France, chargé de représenter le gouvernement de son pays, il apportait en Europe le plus vif espoir de succès.

À peine eut-il établi quelques relations avec Fulton, qu’il comprit tout le parti qu’il pourrait tirer de l’activité, des talents et des études spéciales de cet éminent ingénieur. Aussi, lorsque, au moment de s’embarquer pour l’Amérique, Fulton se présenta à l’ambassade des États-Unis, pour y prendre congé du représentant de sa nation, Livingston fit-il tous ses efforts pour le dissuader de son projet. Il l’engagea à différer son départ, pour s’occuper avec lui, de la grande question des bateaux à vapeur, qui importait à un si haut degré à la prospérité et à l’avenir de leur commune patrie.

À la suite de leurs conférences un acte d’association fut passé entre eux. Livingston se chargeait de fournir tous les fonds nécessaires à l’entreprise ; les expériences à exécuter étaient confiées à Fulton.

Tous les systèmes essayés jusqu’à cette époque, pour la création de la navigation par la vapeur, avaient échoué sans aucune exception. Fulton attribuait ces échecs au vice des appareils de propulsion mis en usage. Il jugea donc nécessaire de recourir au calcul, pour comparer les effets produits par les divers mécanismes employés jusqu’à cette époque. Il s’occupa d’abord d’étudier par cette voie, le système du refoulement de l’eau sous la quille du bateau, procédé que James Rumsey avait mis en pratique dans ses expériences à Philadelphie, et plus tard à Londres, comme nous l’avons raconté. Fulton fut amené à conclure, mais à tort sans nul doute, que c’était là le plus imparfait de tous les modes de progression nautique. Il étudia ensuite le système palmipède, qu’il trouva insuffisant pour produire la vitesse exigée.

Le mécanisme qui lui parut réunir le plus d’avantages, consista dans l’emploi d’une chaîne sans fin, mise en action par la vapeur, et munie d’un certain nombre de palettes, faisant office de rames, ou ce qu’il nommait des chapelets. C’était une manière d’employer un plus grand nombre de palettes que celui que portent les roues à aubes, et d’augmenter ainsi le nombre des rames agissant sur l’eau.

Les bords de la Seine n’offraient pas à Fulton assez de tranquillité ni de solitude pour se livrer commodément aux expériences que nécessitait l’emploi de ce nouveau moteur. Madame Barlow ayant reçu le conseil de se rendre aux eaux de Plombières, il se décida