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en 1826 par M. de Navarette, dans la Correspondance astronomique du baron de Zach. D’après ce rapport, qui existe à l’état de manuscrit dans les archives royales de Simancas, un capitaine de la marine royale d’Espagne, Blasco de Garay, aurait expérimenté, en 1543, devant l’empereur Charles-Quint, une sorte de bateau à vapeur.

Malgré l’apparente impossibilité de ce projet, l’empereur, nous dit Navarette, ordonna d’en faire l’expérience dans le port de Barcelone. Il fixa, pour cet essai public, le 17 juin 1543. Une commission composée de don Henri de Tolède, de don Pedro de Cordoue, du trésorier Ravago, du vice-chancelier et intendant de Catalogne, et de quelques autres personnages, assista au spectacle annoncé. Le navire choisi pour l’application du nouveau moyen de propulsion, se nommait Trinité, du port de 200 tonneaux.

Blasco de Garay ne voulut révéler à personne le secret du mécanisme qu’il employait. Tout ce qu’on put remarquer, c’est que l’appareil avait pour éléments essentiels, une chaudière d’eau bouillante, et des roues, qui faisaient marcher le navire.

La commission fit son rapport à Charles-Quint. Elle déclare dans ce rapport, que la machine de Garay ne pourrait imprimer aux navires qu’une vitesse d’une lieue à l’heure. Le trésorier Ravago ajoute, comme opinion personnelle, que la machine lui paraît trop compliquée et trop coûteuse, et de plus, sujette au danger d’une explosion.

Après cette expérience publique, Garay enleva toute la machinerie de son bâtiment, et ne laissa dans l’arsenal de Barcelone qu’une partie des charpentes en bois. L’empereur lui remboursa les frais de son expérience, et l’éleva à un grade supérieur.

Tel est le récit donné par Navarette de l’expérience de Blasco de Garay, sur la foi d’un rapport manuscrit qui existe, comme nous l’avons dit, dans les archives de Simancas.

Les circonstances du récit que l’on vient de lire, sont de nature à le rendre suspect. L’état des sciences au xvie siècle nous empêche de croire que personne ait pu exécuter, à cette époque, une machine à vapeur. Si une telle machine eût apparu du temps de Charles-Quint, comment serait-elle tombée ensuite dans un complet oubli ? « Une chaudière d’eau bouillante » ne suffit pas à constituer une machine à vapeur, et s’il entrait dans le système mécanique dont il s’agit un pareil élément, rien n’autorise à conclure que cette chaudière fût destinée à fournir de la vapeur fonctionnant comme agent mécanique. Le texte du document espagnol est muet sur ce point, car tout se réduit à la mention de l’existence de ce chaudron d’eau bouillante.

Ajoutons que si un essai d’application de la vapeur fut tenté à cette époque, il est certain qu’il resta sans influence, sans utilité, puisque le secret de cette machine ne fut point révélé par l’auteur.

Le document dont il s’agit étant purement manuscrit, n’ayant jamais été imprimé, il est impossible de lui accorder la confiance que mériterait une pièce livrée à l’impression, qui aurait pu être discutée et contrôlée par les contemporains.

Par toutes ces considérations, le nom de Blasco de Garay ne nous paraît point devoir figurer sérieusement dans l’histoire de la navigation par la vapeur.

Balzac a bâti sur cette histoire, son drame les Ressources de Quinola. C’est le droit de tout écrivain, de s’emparer des types qui parlent à l’imagination ou au cœur, et de les transporter dans le roman ou sur la scène. Mais l’historien a le devoir de se renfermer dans son rôle.

Arrivons donc aux faits positifs, c’est-à-dire aux travaux scientifiques contenus dans des publications sérieuses.

Lorsque Papin proposa sa première machine à vapeur, il insista particulièrement sur l’application que l’on pourrait en faire à la propulsion des bateaux. On a vu, par la lec-