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Il est manifeste qu’une quantité énorme de calorique se perd dans les machines actuelles. Dans les machines à haute pression, la vapeur qui est rejetée dans l’air après avoir produit son effort mécanique, emporte une grande quantité de chaleur, qui, de cette manière, n’est point utilisée. La même perte existe dans les machines à condenseur, par la vapeur qui se liquéfie dans l’eau du condenseur, et cède à cette eau son calorique, lequel est ainsi perdu.

C’est pour remédier à ces pertes considérables de chaleur, et par conséquent, de combustible, que les physiciens et les constructeurs de nos jours ont imaginé différents systèmes, que l’on peut classer comme il suit :

1o Les machines à vapeurs combinées, c’est-à-dire celles dans lesquelles le calorique de la vapeur qui est perdue dans les machines actuelles, est employé à volatiliser un liquide, tel que l’éther sulfurique, ou le chloroforme, dont la vapeur, dirigée sous le piston d’un second cylindre, accolé au cylindre principal, vient exercer un effort mécanique, et ajouter ainsi son action à celle de la vapeur d’eau.

Dans la machine à éther, imaginée et construite par M. Du Tremblay, la vapeur à haute pression, en sortant d’un premier cylindre où elle a exercé, avec détente, son action sur le piston, traverse un grand nombre de petits tubes métalliques placés dans une boîte de métal, qui renferme une certaine quantité d’éther sulfurique. À l’intérieur de ces tubes, la vapeur d’eau se refroidit, se condense et retourne à la chaudière, qui se trouve ainsi alimentée, à partir de ce moment, avec de l’eau distillée. Cette circonstance, pour le dire en passant, est déjà fort avantageuse, puisqu’elle empêche les incrustations terreuses qui se font à l’intérieur des générateurs alimentés avec de l’eau ordinaire, et qu’elle diminue l’abondance des dépôts de sel qui se font dans les chaudières alimentées avec l’eau de la mer.

Échauffé par la condensation de la vapeur d’eau, l’éther contenu dans les petits tubes métalliques, entre en ébullition, et sa vapeur passe dans un second cylindre, dont elle met en mouvement le piston, à la manière ordinaire. La condensation de la vapeur d’éther s’opère en dirigeant cette vapeur à travers plusieurs petits tubes placés dans une boîte métallique, traversée incessamment par un courant d’eau froide. Revenu à l’état liquide, l’éther est ensuite repris par une pompe, qui le ramène au vaporisateur, d’où il doit être de nouveau volatilisé par la chaleur provenant de la condensation de la vapeur d’eau de la machine, et ainsi de suite.

On assure avoir constaté, avec la machine à éther, de M. Du Tremblay, une réduction de 50 pour 100 sur le combustible, pour produire le même effet qu’une machine ordinaire à haute pression et à condenseur.

La machine à vapeur d’éther, que l’on désigne quelquefois sous le nom impropre de machine à vapeurs combinées, est sortie du domaine de la théorie, pour entrer dans celui de la pratique. Quatre navires à vapeur, consacrés à un service régulier des transports de Marseille à Alger et Oran, ont été pourvus de machines à vapeur dans le système Du Tremblay. Ces quatre navires appartiennent à la société Armand Touache frères et compagnie. L’un, le Du Tremblay, est de la force de 70 chevaux. Le Kabyle, le Brésil et la France sont de 350 chevaux. — Il existe à Lyon, à la cristallerie de M. Billaz, une machine à vapeur d’éther, de la force de 50 chevaux. En Alsace, M. Stehélin, constructeur à Bittschwiller, a fait usage d’une machine du même genre, de la force de 50 chevaux. — À Blackwall, en Angleterre, on a construit un navire du port de 1200 tonneaux, l’Orinocco, dont les machines appartenaient au système à éther. — Enfin la compagnie franco-américaine Gauthier frères, de Lyon, a appliqué le même système au Jacquart, navire de la force de 600 chevaux,