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deux saints Jean, — magnifiques statues qui jouent le marbre jusqu’à l’illusion — et les portraits de Josse Vyt et d’Isabelle Borluut, symboles des vieilles vertus bourgeoises précis jusqu’à l’âme (toutes parties que nous ne décrirons pas en détail, puisque c’est à Berlin qu’on les admire et non en Belgique), sont, par contre, les merveilles d’un art nouveau à qui la vie des êtres, des choses, de l’atmosphère livre tous ses secrets et qui se hausse en outre à la synthèse idéale. Jean van Eyck, à notre avis, en est l’auteur.

L’extérieur, exécuté en dernier lieu, est pourtant la préface de l’événement exalté à l’intérieur ; il prédit l’Adoration de l’Agneau par la présence : 1o des sibylles, prophétesses païennes ; 2o de Michée et de Zacharie, prophètes du monde juif ; 3o de Gabriel qui annonce à Marie le prochain avènement du Messie ; 4o de Jean-Baptiste, le Précurseur immédiat de l’Agneau, celui qui, le premier, fit savoir qu’il était venu ; 5o de Jean l’Évangéliste, lequel, dans l’Apocalypse, a révélé le signe éternel de l’Agneau dans le ciel. — Cette préface porte la trace d’un symbolisme artistique déjà vénérable ; de même il faudrait remonter aux premiers siècles chrétiens, aux peintures des catacombes, aux premières mosaïques représentant l’Agneau, debout sur une colline verdoyante d’où sortent les quatre fleuves du Paradis, pour retrouver les ancêtres de la scène auguste évoquée à l’intérieur.

Ouvrons le Retable. (Fig. XIX).

L’intérieur se partage en deux zones, — et peut-être y en avait-il trois primitivement, car van Mander et van Vaernewyck parlent d’une prédelle représentant un Jugement dernier qui avait déjà disparu de leur temps. La zone supérieure se compose de sept panneaux. Au centre Dieu le Père, à droite la Vierge, à sa gauche saint Jean-Baptiste ; à droite de la Vierge les Anges chanteurs, à gauche de saint Jean-Baptiste les Anges musiciens ; aux deux extrémités Adam et Ève. Deux petites compositions traitées en grisaille surmontent les figures de nos ancêtres : au-dessus d’Adam, le Sacrifice d’Abel et de Caïn ; au-dessus d’Ève, le Meurtre d’Abel. Dans la partie inférieure se voient cinq panneaux : au centre une grande composition décrivant l’Adoration proprement dite que nous appellerons l’Agneau mystique ; sur les côtés, à droite, les Chevaliers du Christ et les Juges intègres, à gauche les Ermites et les Pèlerins. Les figures de Dieu le Père, de la Vierge, de saint Jean-Baptiste, la composition de l’Agneau mystique constituent la partie fixe du Retable. Les autres parties sont mobiles et composent les volets qui se replient.

L’intérieur glorifie le vaste et profond mystère de l’Agneau et résume les doctrines dont l’Immolation et la Résurrection de Jésus-Christ sont le centre. Le christianisme ne connaît pas de plus haut symbole ; il réunit à la fois l’idée du sacrifice de Dieu et celle de sa victoire, il contient l’histoire de la chute des hommes et de