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146 LES PRIMITIFS FLAMANDS

parussent moins rébarbatives au prisonnier! (») Nous ne savons point malheureuse- ment de quelle manière le maître accomplit cette délicate besogne, ni quel genre de peinture il exécuta. Gérard David ayant dirigé un atelier de miniaturistes, il se peut que cette singulière décoration s'agrémentait de petites enluminures.

Premier juré de la Gilde de Saint-Luc en 1495-96 et en 1498-99, Gérard David fut doyen de la corporation en i5oi. Il avait épousé en 1496 une miniaturiste de talent, Cornelia Cnoop, fille du doyen des orfèvres. Son beau-père était riche et ce mariage, semble-t-il, assura à maître Gérard les meilleures relations dans la société patricienne et la haute bourgeoisie de Bruges. En t5o8 l'artiste fut admis dans la confrérie de Notre-Dame de l'Arbre Sec, laquelle entretenait entre Damme et l'Écluse une chapelle franciscaine qui devait probablement son nom à quelque arbre des envi- rons... Cette confrérie pieuse ne comprenait que des membres laïcs appartenant à la partie la plus riche de la population brugeoise. Le couvent des Carmélites de Sion auquel Gérard David offrit en 1609 le magnifique retable du musée de Rouen était considéré également comme l'une des fondations religieuses les plus aristocratiques de la ville.

Maître Gheeraert fut le peintre de ce milieu pieux et riche, et, certes, son art de douceur et d'élégance se rapproche beaucoup de celui de Memlinc, mais les mêmes modèles, les mêmes exemples s'offraient aux yeux du disciple, chez qui dès lors il ne faut point s'étonner de rencontrer des images parentes. Toutefois, parvenu à la maturité de son art, Gérard David peint des compositions admirablement personnelles par le sentiment et la beauté d'aspect. Au troisième stade de sa carrière il réalise la parfaite synthèse de ses connaissances et domine tous les facteurs de son inspira- tion. Il agrandit ses compositions, y place des figures plus nombreuses, aborde des sujets dramatiques; mais de plus en plus il s'avère comme un peintre fidèle de l'âme. C'est le reflet des vies intérieures qui rend ses figures éloquentes et l'harmonieux équilibre de ses œuvres — Memlinc lui a livré le secret des rythmes architectoniques et il en use comme d'un trésor personnel, — contribue à nous élever dans les sphères de la plus parfaite sérénité. Une influence méridionale, pensons-nous, a fixé définitivement ce sens de l'équilibre en même temps qu'elle éveillait chez l'artiste le désir des simplifications et la notion nouvelle d'un clair-obscur expressif. Gérard David serait-il le premier de nos italianisants? Pourquoi non? Rien ne contrarie l'hypothèse d'un voyage du maître en Italie avant l'époque de son doyenné et l'on relève dans ses œuvres postérieures assez de particularités propres à le justifier.

(1) Cf. WuRZBACH. Kunslhr Lexikon.