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La dernière en date des œuvres conservées de Roger van der Weyden est un triptyque qui fut peint pour une église de Middelbourg et que possède le Musée de Berlin. Le donateur figure au premier plan du panneau central : c’est le célèbre maître d’hôtel de Philippe le Bon, Pierre Bladelin, celui même qui fonda la jolie capitale de la Zélande. La Nativité est représentée au centre ; on voit sur les volets à droite, la Vision de la Sybille libertine, à gauche, les Rois apercevant Jésus dans les nuages. La convention qui détache quelque peu les personnages du décor subsiste toujours, mais dans notre grand XVe siècle il est peu de peintures qui puissent rivaliser avec celle-ci pour la beauté et la séduction du coloris. « Les couleurs, très pures, sont juxtaposées sans souci d’établir une étroite relation entre les tons, mais sans que pourtant le peintre tombe jamais dans les défauts d’une mosaïque multicolore[1] ». À cet égard cette œuvre peut être considérée comme le brillant aboutissement des tendances techniques du maître.

Dans le cycle des œuvres de Roger van der Weyden on comprend un grand nombre de tableaux représentant saint Luc peignant la Vierge. Ce sont toutes répliques d’un original perdu ; il en existe des versions notamment à Munich, Saint-Pétersbourg, Boston, et dans la collection Wilczeck, à Vienne. Celle de Munich est la plus célèbre bien qu’assez mal conservée[2]. Une tradition veut que Roger se soit représenté lui-même sous les traits de saint Luc ; ce qui tendrait à le faire croire c’est qu’on a conservé dans la galerie d’Hermanstadt le portrait d’un homme tenant une tête de mort et au dos duquel on lit : « Le Pourtraict de maistre Rogir van der Weyde faict de maistre dirick van Haerlem ». Dirick, c’est Thierry Bouts qui n’est point, semble-t-il, l’auteur du « pourctrait » ; mais le personnage représenté rappelle fort les différents saints Luc attribués à maître Rogir. C’est du prototype perdu de cette série que sortent, selon toute vraisemblance, les Madones cataloguées sous le nom de van der Weyden. Nous possédons en Belgique quelques belles Vierges avec l’enfant exécutées par de bons disciples du maître. Il en existe deux au Musée de Bruxelles ; l’une est vraiment tout à fait adorable (Fig. XXXIII) avec son coloris clair, ses carnations argentines, ses vêtements exécutés d’une brosse légère et précise à la fois, ses contours extrêmement nets détachés sur un paysage lumineux qu’encadre une large baie. La parenté avec la facture du maître est intime[3]. L’autre (Fig. XXXIV) a moins de précision, de finesse ; l’expression est un peu plus artificielle et le coloris, par des modelés plus accentués, cherche des effets plus chauds, plus enveloppants. On pressent la technique

  1. K. Voll. Altniederländische Malerei
  2. Certains prétendent que la version de Saint-Pétersbourg est une œuvre authentique du maître.
  3. N°667 du catalogue Wauters. Une réplique très fidèle est à la National Gallery