Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 4.djvu/422

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fautes en considération de votre jeunesse, et a témoigné tant d’horreur du libertinage, que je me suis trouvée réduite au silence. Toutes les fois que j’ai tenté de vous excuser, la force et la justesse de ses raisons m’ont fermé la bouche. En vérité, c’est une jeune personne charmante, une des plus douces et des plus sensées que j’aie jamais vues. Si j’avois osé, je l’aurois embrassée pour une sentence qui m’a paru digne de Sénèque ou d’un évêque. « Madame, m’a-t-elle dit, j’avois cru autrefois remarquer dans M. Jones une grande bonté de cœur, et j’en avois conçu pour lui une sincère estime ; mais le libertinage finit par corrompre le meilleur cœur ; et tout ce que peut espérer un libertin doué d’un bon naturel, c’est qu’on mêle un sentiment de pitié au mépris et à l’aversion qu’il inspire. » Miss Western est un ange. Voilà la vérité.

— Ô mistress Miller, puis-je supporter la pensée d’avoir perdu cet ange ?

— Perdu ? non, je me flatte que vous ne l’avez pas encore perdu. Changez de conduite, revenez de vos égarements, et vous pouvez conserver de l’espérance. En tout cas, si miss Western demeuroit inexorable, il y a une autre jeune dame, une dame fort jolie et fort riche, qui se meurt d’amour pour vous. On m’en a parlé ce matin même, et je ne l’ai pas laissé ignorer à miss Wes-