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contre vous, que l’on vous retrouve, au bout de vingt ans, avec ce même jeune homme ? Je vous croyois bien loin d’ici, ou mort depuis long-temps. Comment avez-vous eu de ses nouvelles ? Où l’avez-vous rencontré ? Vous entreteniez donc avec lui une correspondance ? ne le niez pas : je vous promets que votre fils gagneroit beaucoup dans mon estime, s’il étoit vrai que, fidèle au vœu de la nature, il eût nourri en secret son père pendant un si grand nombre d’années.

— Veuillez, monsieur, avoir la patience de m’écouter, je vous dirai tout. »

Ayant obtenu la permission qu’il demandoit, il continua ainsi :

« Quand j’eus le malheur d’encourir votre disgrace, ma ruine la suivit de près. Je perdis ma petite école ; et le ministre de la paroisse, croyant, je pense, vous faire plaisir, m’ôta la place de bedeau. Il ne me resta que ma boutique de barbier, foible ressource dans un chétif village. Tant que vécut ma femme, je reçus une pension de douze livres sterling, venant d’une main inconnue, ou plutôt de la vôtre, je suppose ; car je ne connois que vous qui soyez capable d’une telle générosité. Comme je le disois, tant que vécut ma femme, je touchai cette pension ; mais la mort m’enleva du même coup l’une et l’autre. J’avois dans ce temps-là deux ou trois petites dettes qui com-