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quel abîme de malheurs est tombé ce pauvre jeune homme, à qui j’ai tant d’obligations ; quand je songe qu’il a perdu vos bontés, dont il faisoit plus de cas que de sa propre vie. Je le plains, et je dois le plaindre. Eussiez-vous un poignard à la main, fussiez-vous prêt à me l’enfoncer dans le cœur, je ne pourrois m’empêcher de déplorer le sort d’un infortuné que vous avez aimé, et que j’aimerai toujours. »

M. Allworthy fut vivement ému de ce discours ; mais il ne parut pas l’être de colère. Après un moment de silence, prenant mistress Miller par la main : « Allons, madame, lui dit-il d’un air affectueux, songeons maintenant à votre fille. Je ne puis blâmer la joie que vous cause une union qui lui promet de grands avantages ; mais vous n’ignorez pas que ces avantages dépendent principalement de la réconciliation de votre gendre avec son père. Je connois beaucoup M. Nightingale ; j’ai eu autrefois des relations d’affaires avec lui ; j’irai le voir, et je tâcherai de vous le rendre favorable. Je le crois assez intéressé : cependant comme il s’agit d’un fils unique, et qu’enfin on ne peut revenir sur le passé, peut-être parviendra-t-on avec le temps à lui faire entendre raison, et je vous promets de m’y employer de tout mon pouvoir. »

Cette offre obligeante valut à M. Allworthy