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qu’un poëte latin[1] nous peint la sortie de la vie, comme celle d’un banquet. Cette pensée m’est souvent revenue à l’esprit, quand j’ai vu des hommes se débattre contre la mort, pour prolonger de frivoles plaisirs, et pour jouir un instant de plus de la société de leurs amis. Mais hélas ! combien est court le plus long délai que le ciel leur accorde ! qu’il est peu différent de partir le premier ou le dernier ! Voilà le vrai point de vue sous lequel il convient d’envisager la vie. Le regret de quitter nos amis colore d’un aimable prétexte l’horreur que la mort nous inspire ; et cependant, telle est la briève durée des plaisirs mêmes de l’amitié, qu’un homme sage n’y attache qu’un faible prix. Peu de gens, je l’avoue, pensent ainsi. La plupart ne songent à la mort que quand sa faux les menace. Quelque hideux, quelque terrible que leur paroisse de près ce fantôme, son effrayante laideur disparoît à leurs yeux dans le lointain. Abattus, consternés, s’ils se croient en danger de mourir, à peine leur crainte est-elle dissipée, que le souvenir s’en efface de leur esprit. Les insensés ! ils s’imaginent avoir reçu leur grace. Ils n’ont obtenu qu’un sursis, et un court sursis.

« Cessez donc, mon cher enfant, de vous af-

  1. Cur non, et plenus vitæ conviva, recedis ? Lucrèce.