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rien. La commission étoit assurément peu agréable, mais les domestiques sont faits pour obéir… Est-il possible, monsieur Jones, que vous vous soyez ravalé de la sorte ? Ma maîtresse m’a donc chargée de porter à Molly Seagrim du linge et un peu d’argent. Elle est en vérité trop bonne, ma maîtresse ; c’est à Bridewell qu’il faudroit envoyer de pareilles créatures. Mademoiselle, ai-je dit, encourage la fainéantise…

— Et ma Sophie a eu la bonté…

— Ma Sophie ! voyez-vous ? fort bien ! Ah, si vous saviez tout ! Tenez, monsieur Jones, à votre place je laisserois là cette coquine de Molly Seagrim, et je lèverois les yeux plus haut.

— Qu’entendez-vous par là, si je savois tout ?

— J’entends ce que j’entends. Vous souvenez-vous, monsieur, d’avoir mis une fois vos mains dans un certain manchon de ma maîtresse ?… Si j’étois sûre que mademoiselle n’en sût rien, j’aurois bien quelque chose à vous dire. »

Jones lui promit une discrétion à toute épreuve.

« Eh bien, ma maîtresse m’avoit donné ce manchon. Quand elle a su ce que vous aviez fait…

— Quoi ! vous lui avez dit ce que j’avois fait ?

— Sans doute, monsieur, et ne m’en sachez pas mauvais gré. Mille autres m’auroient payée bien cher pour en instruire ma maîtresse, s’ils