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kum, qui servoit toujours de second à son élève favori, auroit suffi pour le rendre circonspect.

Mais comme l’a très-bien observé un certain auteur, nul homme n’est sage à toute heure du jour ; comment un enfant le seroit-il ? Une dispute s’étant élevée au jeu entre les deux condisciples, M. Blifil traita Tom de bâtard : sur quoi celui-ci, qui étoit peu endurant, lui appliqua au milieu du visage un coup de poing, qui produisit le fâcheux effet dont nous avons parlé.

M. Blifil, le nez en sang et les larmes aux yeux, alla trouver son oncle et le redoutable Thwackum. Il accusa Tom Jones de s’être jeté sur lui, et de l’avoir battu et blessé. Tom allégua pour toute défense l’insulte qui lui avoit été faite, seule circonstance que M. Blifil eût omise. Peut-être, au reste, cette circonstance étoit-elle effacée de sa mémoire ; car dans sa réplique, il nia formellement qu’il se fût servi du terme grossier qu’on lui reprochoit : « À Dieu ne plaise, dit-il, qu’une si vilaine expression soit sortie de ma bouche ! »

Tom, au mépris de la politesse, lui riposta par un démenti. « Sa conduite ne m’étonne pas, dit Blifil. Quand on a menti une fois, on peut bien mentir deux. Si j’avois fait à mon maître un mensonge aussi impudent que le sien, je rougirois de me montrer.

— Quel mensonge, enfant ? demanda vivement Thwackum.