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de mois et d’années dépourvus d’intérêt, qu’au tableau des époques rendues fameuses par de grands et mémorables événements.

De pareilles histoires ressemblent fort aux gazettes, qui contiennent toujours le même nombre de lignes, qu’il y ait des nouvelles ou non. On peut encore les comparer aux voitures publiques qui, vides ou pleines, font constamment le même trajet. On diroit que l’écrivain se croit obligé de suivre le temps, pas à pas ; il parcourt avec une égale lenteur les siècles de stupidité monacale, où le monde semble sommeiller, et l’âge brillant et guerrier si bien décrit par un poëte latin, dans des vers dont nous hasardons une foible imitation :

Quand le terrible fils de l’altière Carthage
Jusqu’aux remparts de Rome eut porté le carnage ;
Quand du bruit des combats le monde épouvanté
En attendoit l’issue avec anxiété,
Et qu’on doutoit encor sous quelles lois la guerre
Rangeroit à la fois les ondes et la terre[1].

Nous suivrons un système tout opposé. Lorsqu’il se présentera quelque situation extraordinaire (et nous en promettons beaucoup de ce

  1. Ad confligendum venientibus undique Pœnis, Omnia cum belli trepido concussa tumultu Horrida contremuere sub altis ætheris auris ; In dubioque fuit, sub utrorum regna cadendum Omnibus humanis esset, terraque marique.
    Silius Italicus