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trop belle

déception que l’on aurait traduite par le mot dépit.

Elle était excellente musicienne, mais elle délaissait la musique. Elle avait trop évoqué de rêves alors que ses doigts égrenaient les chants harmonieux. Et maintenant, quand elle ouvrait son piano, ils l’assaillaient en foule.

Elle allait assez souvent dans le monde, et selon la mode actuelle, la jeunesse envahissait le domicile des Foubry pour les « surprises-parties ».

Malgré la modicité de leurs moyens, ils habitaient un bel appartement, par le plus grand des hasards. Ils en avaient hérité d’une vieille cousine et le bail devait durer jusqu’à leur mort. La parente avait stipulé que les meubles resteraient en place, force leur était de subir ce legs dans son intégrité.

Le cadre était presque somptueux et ils oubliaient, à évoluer dedans, les mesquineries auxquelles ils s’astreignaient par nécessité.

Sylviane et sa mère se contentaient d’une femme de journée et s’occupaient de cent besognes ménagères.

Leur appartement vaste tentait les danseurs et ainsi les Foubry recevaient, peut-être un peu plus que ne l’eût désiré Sylviane, mais cela enchantait sa mère qui aimait le monde. Elle se félicitait de cette mode nouvelle qui lui permettait de satisfaire ce goût sans que son budget en souffrît.

Le colonel ne s’amusait pas à ces réceptions. Il ne s’y montrait que des hommes trop jeunes. Il les regardait s’agiter, essayant de comprendre ces danses qui le déroutaient.

Madame Foubry conservait toujours l’espoir de voir surgir, dans une de ces soirées, l’inconnu précieux devenant amoureux de sa fille.

Mais rien de semblable ne s’annonçait.

À mesure que les jours passaient, Sylviane apportait à ce plaisir une indifférence souriante. Elle devenait l’aînée de cette jeunesse, et ses hôtes reçus par force, la considéraient comme une grande sœur.